La tendance de 2023 ? Ecouter son album préféré dans une salle de concert

Le "slow listening" est de retour. À partir de ce lundi 10 juillet et pendant trois jours de suite, l'Accor Arena de Paris met à l'honneur David Bowie en diffusant son disque le plus célèbre, "The Rise and Fall of Ziggy Stardust and the Spiders from Mars", pour la modique somme de 49€. Et malgré la perte de vitesse inexorable du format album, ce concept semble fonctionner : les trois dates sont complètes.
  • Depuis plusieurs années, on ne cesse de le répéter, écouter un disque dans son intégralité est devenu une activité de personne âgée. C'est prouvé statistiquement, l'ère de l'album née dans les années 1960 avec l'explosion du rock et du vinyle 33 tours appartient désormais passé. Pourtant, face à la dictature des playlists et des singles qui submergent nos oreilles quotidiennement par dizaines de milliers, la résistance s'organise chez les mélomanes.

    Depuis quelques années, une société française, Sonorium, est spécialisée dans l'organisation d'événements où le public vient écouter un album culte dans d'excellentes conditions sonores et avec l'intervention d'un spécialiste de l'œuvre ou d'un artiste/personnalité ayant participé à sa conception. Ces expériences sonores "enrichies" sont généralement organisées dans des lieux atypiques en partenariat avec des labels et/ou des marques de hi-fi.

    Très récemment, la firme danoise très haut de gamme Bang & Olufsen a par exemple décidé de s'associer avec une salle de concert très cossue des beaux quartiers parisiens (Pleyel) pour proposer l'écoute d'albums sur des enceintes Beolab 90 à... 110 000€.

    Cela s'appelle "Ecoutes en Scène", et un premier événement a permis au public de redécouvrir "Moon Safari", en présence de Jean-Benoît Dunckel et de l'ingé son Stéphane "Alf" Briat, à l'occasion du 25ème anniversaire du chef-d'œuvre lubrique de Air.

    Et le dimanche 9 juillet dernier, quelques chanceux ont aussi eu la chance d'écouter le "Random Access Memories" des Daft Punk – qui vient de fêter ses dix ans, au cas où vous reviendriez de la planète Mars – dans un dispositif "spatial et immersif" au Centre Pompidou.

    Mi-juillet, ce sera au tour du "Psycho Tropical Berlin" de La Femme d'être diffusé sur la scène de la Salle Pleyel, à l'occasion là aussi du 10ème anniversaire de cet album emblématique de la scène pop française des années 2010, en présence de Marlon Magnée (cofondateur du groupe) et Samy Osta (producteur du disque).

    Comme les deux précédents, cet événement est gratuit, mais les places attribuées par jeu-concours sont très limitées. Et si le concept n'est pas nouveau – Sonorium existe depuis 2018 et a déjà remis en lumière des dizaines et des dizaines d'albums, de Serge Gainsbourg à Led Zeppelin – on note incontestablement une accélération de ce phénomène ces derniers mois.

    À un moment où les concerts des artistes émergents souffrent et où tout le monde, y compris les plus jeunes, écoute de plus en plus d'artistes du passé et de moins en moins de nouveaux morceaux, le public semble apprécier ce retour à des albums "doudous" inoxydables. Une tendance à mettre en parallèle avec le succès des tournées où les artistes jouent un album culte en intégralité plutôt que des nouveaux morceaux.

    Mais là encore, rien de foncièrement nouveau : en 2013 puis en 2017, les mélomanes s'amusaient déjà des articles évoquant le "slow listening", un concept révolutionnaire consistant à... écouter un album du début à la fin sans rien faire en même temps, et si possible pas sur une plateforme de streaming avec une qualité audio médiocre…

    Il aura fallu quelques années à l'industrie musicale pour faire fructifier cette énième invention marketing, ce qui explique aujourd'hui peut-être pourquoi Philippe Manœuvre fera salle comble – enfin pas tout à fait, car l'événement est à l'extérieur de l'Accor Arena – trois soirs de suite pour présenter et faire écouter "The Rise and Fall of Ziggy Stardust and the Spiders from Mars" à des fans ayant déboursé 49€ pour s'installer dans des transats.

    Pour les autres – confinés aux gradins –, il était possible de s'inscrire pour voir "seulement" et surtout gratuitement la version restaurée et rallongée du film éponyme qui documente le fameux concert où David Bowie a tué Ziggy Stardust sur la scène de l'Hammersmith Odeon de Londres le 3 juillet 1973, dont on attend toujours la sortie dans les salles françaises. À vous de juger ce que vous préférez.

    Crédit photo : Sonorium

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