Pourquoi les concerts dans les stades sont la grosse tendance de 2023

Après le désastre économique des années Covid, le secteur de la musique live repart de plus belle, mais pas pour tout le monde. Désormais le public semble privilégier les grandes stars les plus chères au détriment des artistes émergents.
  • "Historique". Au micro de BFM, Angelo Gopee, le directeur général de Live Nation France, n’y va pas par quatre chemins pour qualifier l’année 2023 vécue par l’antenne française de la multinationale américaine des concerts.

    Après un cru 2022 qu’il juge déjà "extraordinaire", avec 250 millions d’euros de chiffre d’affaires, l’année en cours devrait encore faire exploser les records, loin des années noires de la crise sanitaire (2020-2021).


    Au niveau mondial, les chiffres sont encore plus étourdissants. Selon Michael Rapino, le grand patron de Live Nation, le groupe a réalisé 16,7 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2022, soit une hausse de 44% par rapport à 2019, la dernière année normale du secteur avant le Covid.

    Sur les deux premiers mois de l’année 2023, Live Nation a déjà vendu 20% de billets en plus par rapport à 2022. Et pour cause : selon Angelo Gopee, Live Nation va "remplir 22 stades en France cette année contre 12 ou 13 habituellement". Et on ne parle même pas des Zéniths et autres Arénas, qui font aussi le plein à Paris comme en province.


    Le grand concurrent américain (AEG) n’est pas non plus en reste. Ces deux géants font tourner la plupart des artistes les plus célèbres du monde, ceux qui remplissent des stades pendant l’été.

    Rien qu’en région parisienne, la saison 2023 a vu se succéder au Stade de France Soprano, Metallica (deux dates), Beyoncé, Harry Styles (deux dates) et Depeche Mode, en attendant Mylène Farmer (deux dates), Muse, Blackpink, Rammstein et The Weeknd (deux dates). Et la plupart de ces concerts sont complets depuis des mois et des mois. N’en jetez plus !

    Cette liste impressionnante confirme que plus que jamais, le public donne la priorité aux plus grandes stars mondiales, malgré la très forte inflation du prix des billets, liée notamment aux cachets parfois délirants réclamés par certains artistes.

    Selon le CNM (Centre national de la musique), les recettes des grandes salles (plus de 5000 places) ont augmenté de 19% en 2022, et cette hausse est unique dans le secteur de la musique live, puisque les petites salles (moins de 1000 places) et les moyennes (1000 à 5000) ont reculé respectivement de 38 et 26% sur la même période.

    Une tendance que l’on retrouve dans une étude réalisée par Harris Interactive pour le Prodiss, selon laquelle 38% des personnes interrogées préfèrent les concerts dans les grandes salles avec un public nombreux. Chez les jeunes de la génération Z (15-24 ans), cette proportion atteint même 49%.

    Dans ce contexte, pas étonnant que seulement 20% des personnes interrogées jugent très important d’aller à un concert pour "découvrir de nouveaux artistes, de nouvelles œuvres".

    Cette frilosité vis-à-vis des découvertes et des artistes émergents peut s’interpréter comme une volonté de ne pas prendre le risque de la déception dans un contexte d’inflation où l'on réduit les sorties pour privilégier plutôt les valeurs sûres.


    Mais ce comportement alarme le secteur de la musique live, même Angelo Gopee, qui défend aussi quelques artistes émergents et se montre sévère avec certains acteurs de la filière dans Les Echos :

    « Nous avons atteint le niveau d'alerte, car cette relève a déjà été sacrifiée pendant trois ans avec la pandémie. Alors même que les spectateurs, freinés par des problèmes de pouvoir d'achat, prennent moins de risques, les réseaux de salles axées plutôt sur l'émergence, tel les SMAC, ces scènes de musiques actuelles soutenues par l'Etat et les collectivités, sont elles-mêmes frileuses pour montrer certains artistes en développement qui n'entrent pas dans leur ligne éditoriale : variété jugée trop populaire, DJ, etc. Quant aux théâtres et centres culturels, ils n'en veulent pas non plus car ils programment des valeurs sûres. Pourtant, on a besoin d'un nouveau souffle, de diversité et d'artistes femmes, la filière se renouvelle peu, et les festivals, même subventionnés, proposent trop souvent des affiches identiques. Nous sommes les seuls à programmer de la K-pop en festival ! »

    Mais pour les mastodontes comme Live Nation France, la plus grosse inquiétude du moment est celle des Jeux olympiques de Paris. Selon Angelo Gopee, la fermeture de toutes les grandes enceintes pour les besoins de l’événement fera perdre 150 millions d’euros de chiffre d’affaires au groupe en 2024.

    Une activité réduite pendant quatre mois qui fait même craindre de devoir faire appel aux fonds publics pour payer les salariés empêchés de travailler. Pour un peu, cela nous rappellerait presque une certaine pandémie.

    Crédit photo : Troy2029

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