2023 M02 28
Au début du mois de février, l'actualité a été marquée par une mise en vente très attendue, celle des places pour le grand retour de Beyoncé au Stade de France. Mises en vente entre 80 et 3000 €, toutes les places ont été instantanément vendues en quelques minutes sur des sites saturés.
Cet événement qui a fait beaucoup de déçus nous dit deux choses qui n'étaient pas si évidentes que cela il y a encore quelques années : ces concerts sont hors de prix, et cela ne les empêche pas d'être à guichets fermés.
À titre de comparaison, lors du précédent passage de Beyoncé en solo au Stade de France en 2016, les places étaient vendues entre 50,40 et 110,90€. Que s'est-il donc passé en seulement sept ans ?
Le prix à l’époque #Beyonce #StadeDeFrance pic.twitter.com/VGItMWfCzR
— anth (@otherantho) February 3, 2023
Certes, Beyoncé est peut-être encore plus populaire aujourd'hui, mais cela n'explique pas tout, car cette hausse des prix concerne énormément de concerts. On peut bien sûr blâmer l'inflation des coûts, en premier lieu celui de l'énergie, qui plombe évidemment les finances des salles – souvent des passoires thermiques.
On sait aussi qu'il existe une pénurie de recrutement dans le secteur de la sécurité. Or, les exigences ont augmenté dans ce secteur ces dernières années, ce qui ne peut que faire grimper la note des prestations des agents qui sécurisent les concerts.
Et on ne parle pas du coût grandissant des infrastructures dans les festivals, qui contribue aussi grandement à l'explosion du prix de leurs billets. Bref, la logistique d'une salle de concert coûte de plus en plus cher, et on n'a même pas encore parlé des artistes.
L’explosion des coûts, y compris les cachets des artistes, une concurrence exacerbée et une pénurie de personnels mettent en péril l’équation financière de ces événements.
— Malika Seguineau (@malikaseguineau) August 17, 2022
Le @prodiss engagera une réflexion sur l’évolution du modèle économique qui semble arriver en fin de cycle. https://t.co/1pvydXItaJ
Pour beaucoup, se produire en live est une question de survie économique : le streaming ne rapporte quasiment rien, et les ventes de disques sont devenues marginales. Encore faut-il pouvoir jouer : ces derniers mois, on a en effet assisté à une multiplication des annulations de concerts et de tournées d'artistes souvent connus, en raison de l'inflation d'autres coûts comme ceux de l'avion par exemple.
Quand les concerts sont maintenus, les prix sont donc souvent salés en raison de la hausse des cachets des artistes, qui souhaitent parfois se rattraper un peu après les années blanches du Covid, comme certains producteurs d'ailleurs. Et il faut ajouter que la concurrence pour se disputer les rares dates des artistes les moins disponibles peut aussi faire mécaniquement monter la note.
Tout concourt donc à faire grimper le prix des places de concerts. Et encore, la France n'est pas encore victime de la dernière calamité qui fait des ravages en ce moment aux Etats-Unis : la tarification dite dynamique, qui permet aux grandes plateformes comme Ticketmaster de faire varier les prix des billets en temps réel en fonction de la demande.
C'est ainsi que récemment, des places à 5000 dollars pour Bruce Springsteen ont légitimement fait scandale aux Etats-Unis, avant qu'une mise en vente pour Taylor Swift ne soit carrément stoppée car elle risquait de se transformer en un fiasco encore plus important. Et aux Etats-Unis comme en France, la revente au marché noir reste évidemment aussi un fléau difficile à combattre.
The case of the $5,000 Springsteen tickets. (via @nytimesbusiness) https://t.co/7bogXM15tI pic.twitter.com/B0ayTOcNq9
— New York Times Music (@nytimesmusic) July 27, 2022
Le dernier facteur qui peut expliquer cette hausse des prix, c'est que paradoxalement, cette dernière n'a pas de conséquence sur le remplissage des salles, du moins pour les plus gros événements. On constate en effet ces derniers temps que les artistes les plus connus n'ont aucun mal à remplir leurs dates, même quand les tarifs sont exorbitants, et même pour les places les plus chères dans les catégories Gold, Premium ou VIP, une segmentation lucrative là encore venue des Etats-Unis.
Les Zénith et les Arena affichent complets, et une économie du live à deux vitesses se met en place : selon le CNM (Centre National de la Musique) les recettes l'an dernier des grandes salles (plus de 5000 places) progressent de 19%, tandis que les petites (moins de 1000 places) sont en recul de 38% par rapport à l’année 2019, et celles des moyennes (1000 à 5000 places) de 26%.
[#Études]
— Centre national de la musique (@le_CNM) October 20, 2022
Le CNM présente les chiffres de la diffusion des spectacles de musiques actuelles & de variétés en France et prévoit une reprise en demi-teinte pour l’année 2022. Plus d'informations ici👇https://t.co/u0UboW5aw0
Autrement dit, un certain public est prêt à payer n'importe quel prix pour assister aux concerts des stars les plus célèbres, tandis que les artistes dont la renommée est plus faible peinent à remplir les salles, ce qui est un très mauvais signal pour la diversité musicale et les découvertes.
Pourtant, cette réalité dont profitent abondamment les plus gros artistes et producteurs de concerts ne doit pas faire oublier qu'une partie de la population risque de ne plus mettre les pieds à des concerts en raison de cette hausse des prix.
C'est ce qu'indique le récent baromètre du live 2022 commandé par le Prodiss à l'institut de sondage Harris Interactive. On y apprend que 32% des personnes interrogées envisagent de moins se rendre à des concerts. Et pour 48% d'entre elles, c'est en raison d'un manque d'argent. Des réponses inquiétantes quand on sait que d'après la même étude, seules 35% des personnes interrogées vont déjà à un concert de musiques actuelles au moins une fois par an. Et il s'agit principalement des catégories aisées.
👉 Le pouvoir d'achat, la préoccupation majeure
— PRODISS (@prodiss) October 12, 2022
Pour les spectateurs de #live qui pensent se rendre moins souvent au #spectacle, le manque d'argent disponible est la première raison (48 %). pic.twitter.com/x4vzJZAji1
Malheureusement, cette tendance ne risque pas de s'inverser en 2023 : le Prodiss estime dans Le Figaro que le prix des billets va augmenter de 10% cette année. Et après avoir déjà rempli deux fois Bercy, Madonna vend encore des places pour deux dates en novembre 2023.
Le prix ? Entre 194 et 276,50€. Pendant ce temps, des milliers d'artistes modestes frôlent le burn-out en tournant intensivement dans des salles clairsemées où les prix sont pourtant très abordables. Ce sont eux qui font en sorte que le concert ne devienne pas un produit de luxe, et ils méritent donc un peu plus d'attention.
Voilà les prix des catégories, ça fait mal. #Madonna https://t.co/dlhVk5oIGx pic.twitter.com/2fghdjzjpy
— Alex 🤠 (@Alex_lebro) January 17, 2023