2023 M06 26
L’explosion de l’intelligence artificielle est incontestablement le sujet de préoccupation majeur de l’industrie musicale en 2023. Depuis quelques mois, cette révolution technologique affole à raison la planète en raison de son potentiel et de ses applications, à tel point qu’on se demande déjà s’il ne faudrait pas interdire les "créations" de l’IA dans le domaine de la musique, pour éviter de mettre en danger les artistes.
Ce problème de régulation se pose déjà aux plateformes de streaming. On sait maintenant qu’en 2023, 120 000 nouveaux morceaux sont mis en ligne chaque jour sur Spotify et compagnie, contre 93 400 l’an dernier. Et selon Lucian Grainge, le grand patron d’Universal Music, cette augmentation spectaculaire est en grande partie causée par l’utilisation de l’IA :
« Peu de gens réalisent que l'IA a déjà largement contribué à cette surabondance de contenu. La plupart des contenus créés par l'intelligence artificielle sur les DSP [c'est-à-dire les sites de streaming comme Spotify ou Deezer] proviennent de la génération précédente d'intelligence artificielle. Cette technologie ne s’entraîne pas sur des morceaux protégés par la propriété intellectuelle et le droit d’auteur, et produit des résultats de très mauvaise qualité n’ayant pratiquement aucun intérêt pour le grand public. »
Mais cette surabondance qui nous submerge de millions de choix possibles a des conséquences pour les artistes humains, puisque selon des chiffres récents, sur les 158 millions de morceaux disponibles sur les plateformes de streaming, 67,1 millions ont été écoutés seulement dix fois ou moins en 2022, et 38 millions n’ont même pas été écoutés UNE SEULE FOIS.
Pour les jeunes artistes, il est plus difficile que jamais de se faire remarquer, et ce d’autant plus qu’aucun indicateur ne distingue aujourd’hui les créations humaines des créations de l’IA sur les plateformes de streaming.
C’est ce qui a incité Grimes à proposer de créer une section dédiée à la musique générée par des intelligences artificielles sur Spotify, ce qui renforcerait la transparence et la confiance et du public envers ce qu’il écoute.
Très favorable à ce que l’on utilise l’IA pour copier sa voix, l’artiste canadienne et ex-compagne d’Elon Musk n’est pour une fois pas complètement iconoclaste sur le sujet.
I think it's cool to be fused w a machine and I like the idea of open sourcing all art and killing copyright
— 𝔊𝔯𝔦𝔪𝔢𝔰 (@Grimezsz) April 24, 2023
Au début du mois, Deezer a en effet annoncé être désormais capable de détecter les morceaux où l’IA copie des voix comme celles de Drake et The Weeknd "pour signaler aux artistes, labels et utilisateurs le contenu généré par l’IA sur la plateforme, pour réduire les activités frauduleuses et, enfin, pour développer un modèle de rémunération qui fasse la distinction entre les différents types de création musicale".
Ce faisant, l’entreprise française affiche clairement son ambition d’être du côté des artistes plutôt que des machines.
We're building cutting-edge tools, to ensure a fair and transparent future in music streaming. AI generated music is quickly taking off, and we're expanding our commitment to supporting artists, fight fraud, and create a better user experience for fans.https://t.co/hH6L9RBF2k
— Deezer News (@DeezerNews) June 6, 2023
Spotify n’est pas en reste non plus, puisque le mois dernier, des dizaines de milliers de morceaux engendrés par Boomy – une application de création de musique par IA – ont été supprimés de la plateforme, mais pour une raison étonnante, puisqu’ils étaient écoutés en masse par… des robots.
On résume : l’IA permet désormais d’uploader en quelques instants de nombreux morceaux bidons qui sont ensuite écoutés virtuellement par des machines afin d’exploiter le système de rémunération des plateformes de streaming.
Ce sont les fameux "fake streams" qui concernent aussi une bonne partie des vrais artistes (1 à 3% des écoutes selon le CNM), mais à une échelle encore jamais vue. Bref, comme dirait Maître Yoda, "De débuter vient juste, la Guerre des Clones."