Il y a 50 ans, David Bowie choquait le monde en tuant Ziggy Stardust

Le 3 juillet 1973, David Bowie faisait croire à la planète entière qu’il allait mettre un terme à sa carrière de musicien. Cinquante ans après et à l’occasion de la sortie d’une version restaurée et rallongée du film "Ziggy Stardust and The Spiders from Mars", basé sur ce concert célèbre à l’Hammersmith Odeon, voici l’histoire d’un "Rock 'n' Roll Suicide" assez génialement malhonnête.
  • C’est l’un des évènements les plus mythiques de la grande histoire du rock’n’roll. De ceux que les témoins présents à l’époque racontent de génération en génération pour bien signifier la chance qu’ils ont eu d’assister à un tel moment.

    Pour bien comprendre l’importance du choc, il faut se remettre dans le contexte de l’été 1973. Après avoir végété pendant des années dans l’underground londonien, David Bowie est enfin une star internationale. Son dernier album, "Aladdin Sane", sorti au mois d’avril, est le premier à vraiment cartonner dans les charts.

    Mais si la carrière de Bowie a décollé, c'est surtout grâce à la création l'année précédente du personnage de Ziggy Stardust. Depuis janvier 1972, "Ziggy Stardust and the Spiders from Mars" arpentent inlassablement le Royaume-Uni, les Etats-Unis et même le Japon, jouant dans des salles de plus en plus en grandes à mesure que leur notoriété grandit.

    En un an et demi, Bowie et ses collègues donnent 191 concerts et enregistrent deux des albums les plus célèbres de sa carrière. C'est un rythme exténuant et dangereux pour la santé mentale de Bowie, qui commence à avoir du mal à faire la différence entre son alter ego et lui-même.

    En coulisse, il y a de l'eau dans le gaz aussi et une autre raison méconnue qui va précipiter la mort de Ziggy Stardust. Le label de Bowie (RCA) refuse de mettre la main à la poche pour une troisième tournée aux Etats-Unis, car le management de Bowie (MainMan) a laissé une ardoise colossale de 300 000 dollars pour financer un train de vie fastueux qui ne correspond pas encore à la notoriété de Bowie dans le pays, où la vente de ses albums est encore décevante.

    Résultat, le dernier concert de la tournée est programmé le 3 juillet dans la salle londonienne de l'Hammersmith Odeon, où le réalisateur Donn Alan Pennebaker est présent pour en faire un film. Était-il au courant de ce qui va arriver ? Les avis divergent.

    Officiellement, deux personnes seulement sont dans la confidence : Tony DeFries (le manager et patron de MainMan) et Mick Ronson, le guitariste des Spiders from Mars. Même le bassiste Trevor Bolder, le batteur Mick Woodmansey et Angie Bowie ne sont au courant de rien.

    Après un concert spectaculaire marqué par l'apparition surprise de Jeff Beck à la guitare pour les trois derniers morceaux, dont un medley savoureux entre The Jean Genie et le Love Me Do des Beatles, l'heure de conclure arrive. Rock 'n' Roll Suicide doit débuter, mais Bowie prend le micro et prononce l'une des phrases les plus célèbres de l'histoire du rock :

    « C'est non seulement le dernier concert de cette tournée, mais c'est aussi le dernier concert que nous ferons. Merci. »

    Hurlements d'horreur parmi les 3500 fans du public. Tout le monde – médias compris – pense que Bowie arrête définitivement la musique. Mais bien sûr, il n'en est rien : il fallait comprendre que le personnage de Ziggy Stardust annonce lui-même sa mort et celle des Spiders from Mars, dont l'entente n'était plus au beau fixe.

    En petit malin qui a toujours un coup d'avance sur les autres, Bowie a déjà prévu d'enregistrer pendant l'été un album de reprises ("Pin Ups") au fameux Château d'Hérouville, avec un groupe renouvelé.

    Reste que l'on peut se demander pourquoi Bowie a pris une décision qui aurait pu être suicidaire pour sa carrière. En tuant le personnage qui l'a rendu célèbre, ne risquait-il pas de mourir avec lui ?

    Au contraire, Bowie pense certainement qu'il ne faut pas trop tirer sur la corde de Ziggy Stardust. Il voit bien les premiers signes que le public commence à se lasser du glam rock qui faisait fureur un an plus tôt.

    Il préfère tuer son alter ego au sommet de sa gloire plutôt que de voir son étoile pâlir lentement, comme c'est le cas pour son grand ami et rival Marc Bolan de T. Rex. Il veut donc se réinventer au plus vite pour des raisons commerciales mais aussi artistiques.

    Car comme la suite de sa carrière le montrera, Bowie ne supporte pas la répétition et l'ennui qui va avec. Le 3 juillet 1973, il a aussi montré qu'il était un génie de la publicité et du marketing, ce qu'il confirmera à maintes reprises et même jusqu'à l'aube de sa vraie mort, mise en scène avec le même brio en 2016.

    A noter : La version intégrale restaurée et remasterisée du concert sera disponible dès le 22 aout pour célébrer son 50ème anniversaire, en double vinyle or, 2CD+Blu-Ray et 2CD.

    Crédit photo : film Moonage Daydream (Brett Morgen, 2022)

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