Une énorme étude démonte les clichés sur l’écoute de la musique en France

Présenté la semaine dernière par le CNM (Centre national de la musique) au festival MaMA à Paris, ce « baromètre des usages de la musique en France » a été réalisé par l’institut de sondage Ipsos à partir d'un échantillon de 4000 personnes. Il contient des milliers de chiffres passionnants pour comprendre les rapports que les Français entretiennent avec la musique, et il bat en brèche quelques idées reçues… mais pas toutes. En voici un très bref aperçu.
  • Le premier enseignement de cette étude n’est pas une surprise, mais il est plutôt déprimant. Si les moins de 25 ans sont 89% à juger que la musique occupe une place importante dans leur vie, ce pourcentage décroit inexorablement chez les personnes plus âgées, jusqu’à atteindre 62% seulement chez les 70 ans et plus.

    Plus on est vieux, moins on écoute de musique. Autrement dit, plus l’on vieillit, et plus on se désintéresse de la musique (la moyenne de la population est de 76%). Une réalité confirmée par d’autres réponses : non seulement les moins de 45 ans sont beaucoup plus nombreux à pratiquer un instrument que leurs aînés, mais ils écoutent surtout beaucoup plus de musique chaque jour.

    Les moins de 25 ans s’envoient 2h43 de son dans les oreilles au quotidien, contre 2h11 pour la moyenne de la population et seulement 1h38 en moyenne pour les 70 ans en plus.

    6% des Français.e.s n'écoutent PAS de musique. Une partie de la population semble aussi se moquer complètement de la vieille citation rincée de Nietzsche selon laquelle "la vie sans musique serait une erreur", puisque 6% des personnes interrogées déclarent ne pas écouter une seule minute de musique par jour (dingue). Autre résultat contre-intuitif : les personnes interrogées sont plus nombreuses à écouter de la musique à domicile qu’en se déplaçant.

    Le rap en troisième position. Encore plus dingue : le genre musical écouté le plus longuement au quotidien n’est pas le rap, qui se classe seulement troisième, derrière le metal/hard rock et les musiques électroniques, surprenantes premières. Attention toutefois, globalement, la variété/chanson française reste de loin le genre écouté par le plus de personnes dans la population selon le sondage (62%) et le rap n’est encore que sixième (28%), même s’il est plébiscité par les jeunes, comme la K-pop et l’électro.

    Numero uno : la radio. Autre surprise, les radios musicales restent le principal support d’écoute de la population (68%), devant les plateformes vidéo comme YouTube (60%), plébiscitées pour leur gratuité, et les radios généralistes (58%). Eh oui, les plateformes de streaming comme Spotify n’arrivent qu’en quatrième position avec 48% – même si elles sont sur-représentées chez les plus jeunes – devant la musique téléchargée, qui reste étonnamment haute (44%).

    Le vinyle en tout dernier. Du côté des supports physiques, le CD (41%) surclasse le vinyle (17%) et la cassette audio (9%), mais ces chiffres pas ridicules cachent une réalité moins flatteuse. Un focus sur les supports physiques révèle en effet que la proportion qui écoute ces formats « tous les jours ou presque » est microscopique : 8% pour le CD, et seulement 2% pour le vinyle et la cassette.

    On remarque que la qualité sonore de ces supports n’arrive qu’en quatrième position (33%) des raisons d’écouter de la musique au format physique. La première est de loin l’envie de posséder ces objets (49%), que les Français achètent par ailleurs très majoritairement neufs (67%) et dans les grandes surfaces culturelles comme la Fnac (56%), le web (41%) et les supermarchés (32%) plutôt que chez les disquaires de neuf ou d’occasion (22%).

    Tout cela ne doit pas cacher le fait que la musique au format physique est totalement délaissée par 55% des personnes interrogées, qui mettent en avant son manque de praticité (39%), l’absence d’appareil d’écoute adapté (34%), leur faible attachement aux supports physiques (26%), le manque de moyens (14%) et le manque de place (12%).

    On écoute la musique sur la télé. Il ne faut en effet pas rêver : 34% de personnes interrogées utilisent principalement… la télé pour écouter de la musique, derrière le smartphone (58%), l’autoradio (46%), l’ordinateur (40%) et la radio (37%), mais devant le lecteur CD (27%) et la platine vinyle (12%).

    Signe que la qualité sonore est une préoccupation secondaire pour beaucoup de personnes : 30% de la population déclare n’utiliser ni casque, ni écouteurs, ni enceintes en sortie sonore sur les smartphones, ordinateurs et autres tablettes (brrr).

    Au rayon des surprises, on note également que la radio reste de loin le principal pourvoyeur de découvertes musicales (58%), devant la télé (40%). Les algorithmes de recommandation des plateformes de streaming, censés être si omniprésents occupent « seulement » la quatrième place avec 29%, derrière le bouche à oreille, pas si ringard (30%).

    7% des personnes sont CONTRE la nouveauté. On ne peut pas en dire autant de la presse généraliste (9%) et de la presse musicale (6%), totalement dépassées par les BO de films et séries (23%), les réseaux sociaux (20%) et les vidéos courtes de TikTok et Instagram (16%), voire les jeux vidéo, très populaires chez les plus jeunes. Fait notable : 7% de la population refuse mordicus de découvrir de nouveaux artistes et déclare écouter uniquement de la musique qu’elle connaît (brrr bis).

    À l’inverse, cette étude nous en apprend beaucoup sur les adeptes des plateformes comme Soundcloud et Bandcamp. Ce sont surtout des hommes aisés, relativement jeunes, franciliens et des mélomanes dans toutes leurs autres pratiques. C’est d'ailleurs quasiment la même chose pour les personnes écoutant des podcasts musicaux et des webradios musicales.

    L’écoute de musique n’échappe donc évidemment pas aux inégalités de genre et à la distinction sociale si chère à Pierre Bourdieu. La pratique du live mériterait un article à elle seule, mais disons pour résumer que les fans de concerts et de festivals sont aussi plus aisés, plus diplômés, plus actifs, plus mélomanes et plus jeunes que la moyenne, ce que l’on savait déjà.

    Nouvelle source de déprime quand même : « la fréquentation baisse fortement après 45 ans. » En conclusion : les statistiques prouvent indubitablement que la musique est une activité de jeune dans la société française d’aujourd’hui. Mais rien ne vous empêche de les faire mentir...

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