Et si le rock, c'était mieux sans guitare électrique ?

Quand on pense rock, on pense d’abord guitares. Mais n’est-ce pas un raccourci très réducteur ? Alors que certains géants du rock songent à s’en débarrasser, c’est l’heure d’ouvrir le débat.
  • Le rock n’a jamais eu besoin de guitare. Dès ses origines, le rock’n’roll était d’ailleurs bien souvent une affaire de piano façon Jerry Lee Lewis. Et même après s’être installée comme symbole même du genre, elle n’a jamais été une obligation. D’ELP à Suicide, sans compter les duos basse/batterie comme Royal Blood, les groupes sans guitare existent à tous les étages. Mais aujourd’hui, c’est encore une autre question qui se pose : ne faudrait-il pas définitivement s’en débarrasser ?

    Si la question peut en heurter quelques uns, elle est en tout cas posée par l’un des grands héros du rock moderne : le quartet irlandais Fontaines D.C.. En pleine promo de leur excellent dernier album, le chanteur Grian Chatten affirme au NME : « On pourrait totalement abandonner les guitares, cette musique serait toujours la nôtre ». Il ajoute que le groupe passe plus de temps à écouter Kanye West et Outkast que le rock à papa. Le Dublinois va même jusqu’à affirmer que rejeter les six-cordes « ne dérangerait pas notre public tant que ça, d’ailleurs ». Et il n’a peut-être pas tort.

    Pour un instrument aussi symbolique, c’est une sacrée dégringolade. Mais comment en est-on arrivé là ? Dès 2017, le Washington Post remarquait un net déclin des ventes de guitares aux États-Unis, passant en dix ans de 1,5 millions de ventes par an à 1 million. Soit un tiers de moins. Plus largement, de nombreux artistes rock semblent vouloir délaisser l’instrument. Soit en l’abandonnant carrément, à la manière d'Arcade Fire et son virage disco, soit en faisant en sorte qu’il ne sonne pas du tout comme une guitare. On pourrait citer ici les derniers disques de Jack White, si futuristes qu’on peine à distinguer la guitare du synthétiseur. Même chose chez des jeunes comme Squid ou encore Idles, qui, sans abandonner le punk, cherchent d’autres sons de guitare avec l’aide du producteur de rap Kenny Beats.

    Ce déclin signe-t-il la mort du rock ? Rien n’est moins sûr. Étonnamment, c’est le groupe Muse qui semble avoir tout compris à la situation. Le chanteur et guitariste Matthew Bellamy n’est d’ailleurs pas le dernier pour faire sonner sa guitare comme n’importe quoi sauf... une guitare. En 2018, il déclarait à la BBC que l’instrument jadis roi « est devenu un instrument de texture plutôt qu’un instrument principal ». Avant d’ajouter : « et c’est probablement une bonne chose ». Pour lui, le rock a cessé d’être le signe d’une identité, pour devenir un genre parmi d’autres, à hybrider à l’envie avec le hip-hop, le jazz ou la soul. Ce que ne se privent pas de faire les jeunes musiciens, pour le meilleur ou parfois le pire.

    Finalement, l’important à retenir de la provocation de Fontaines D.C. n’est pas de savoir si leur prochain album contiendra ou non des guitares. Il y en aura très probablement, d’ailleurs. Ce qui compte, c’est qu’ils s’autorisent à s’en débarrasser. Et forcément, cela entraîne une toute nouvelle approche – bien plus libérée. Au fond, le rock n’a jamais été une simple affaire de grattes, mais bien d’une certaine énergie, contenue dans une structure et une écriture simple. Délaisser les guitares, c’est trouver de nouveaux moyens de déployer cette énergie. Pour mieux y revenir ensuite ?

    A lire aussi