C'est quoi ce retour de hype sur Dolly Parton ?

À 77 ans, l’icône de la country vient de sortir son tout premier album de rock. Un disque justement intitulé « Rockstar » où elle a convié un casting démesuré pour jouer entre autres des dizaines de standards du classic rock. Le résultat est à la hauteur du mythe Dolly Parton : outrancier, drôle et forcément un peu too much (2h22 !). Mais c’est ce qui explique que tout le monde l’aime, du moins aux États-Unis.
  • La femme aux 100 millions de disques... Il ne faut pas se méprendre. Depuis ses débuts il y a plus d’un demi-siècle, Dolly Parton n’a jamais vraiment été dans le creux de la vague dans son pays, où elle est considérée depuis longtemps comme un trésor national.

    Mais cela a toujours été beaucoup moins le cas en France, où l’on tolère très mal l’imagerie country redneck à laquelle elle est associée – et qu’elle ne renie nullement - elle est issue d'une famille nombreuse et pauvre du Tennessee.

    Cette vision réductrice est heureusement en train de changer – mieux vaut tard que jamais – mais il faut bien imaginer qu’il s’agit certainement du cadet des soucis de Dolly Parton, réputée pour la liberté totale avec laquelle elle mène sa carrière.

    Avec un succès qui force le respect : une cinquantaine d’albums enregistrés, 100 millions de disques vendus et une fortune estimée à plusieurs centaines de millions de dollars, conséquence d’un empire personnel qui compte notamment un parc d’attractions (Dollywood).

    ... et 3000 chansons. Mais Dolly Parton, c’est surtout 3000 chansons écrites, dont d’immenses morceaux surtout connus chez nous pour les versions interprétées par d’autres, comme I Will Always Love You (Whitney Houston) et Jolene (The White Stripes).

    Aujourd’hui, c’est à son tour de reprendre les titres des autres. Sur les trente chansons recensées sur « Rockstar », neuf seulement sont des compositions originales, mais on le pardonne évidemment à Dolly Parton, qui voulait avant tout s’amuser en enregistrant son premier album de rock, en réaction à son entrée au Rock and Roll Hall of Fame – un honneur qu’elle a hésité à accepter parce qu’elle n’avait jamais rien enregistré dans ce registre.

    En toute logique, elle a donc réuni un nombre invraisemblable de célébrités de la musique pour l’accompagner, preuve que personne ou presque ne peut refuser un duo à Dolly Parton, même si le résultat ressemble parfois à un karaoké hollywoodien.

    Hall of Fame de la reprise. Sting vient donc chanter sur son Every Breath You Take, Debbie Harry sur Heart of Glass, John Fogerty (Creedence Clearwater Revival) sur Long As I Can See The Light, Elton John sur Don’t Let the Sun Go Down on Me, Joan Jett sur I Hate Myself for Loving You, Pat Benatar sur Heartbreaker, et la liste est encore longue, avec notamment une version hallucinante du Stairway to Heaven de Led Zeppelin, où… Lizzo vient jouer de sa célèbre flûte.

    Sur les deux derniers morceaux, Dolly Parton se paye même le luxe d’enregistrer sa version de Let It Be avec les deux derniers Beatles encore en vie, plus Peter Frampton et Mick Fleetwood, avant de conclure avec une version de onze minutes du Free Bird de Lynyrd Skynyrd en compagnie de ce qui reste de Lynyrd Skynyrd. Pfiou.

    Une reprise du terrible What’s Up? des 4 Non Blondes et un medley We Are the Champions/We Will Rock You étaient-ils vraiment nécessaires aussi ? Difficile à dire, mais le clip du second, transformé en teaser pour les JO de Paris, vous réconcilierait presque avec l’événement.

    Pour Dolly Parton, la philosophie less is more est une hérésie : il en faut toujours plus. Elle a toujours su manier l’ironie et l’autodérision avec un talent inégalé – ses célèbres « dollycismes » sont un art à part entière –, et elle joue ici volontiers avec les clichés masculins grotesques associés au rock, en particulier sur les différentes pochettes de l’album, où elle peut aussi exprimer sa passion pour les tenues extravagantes, à grand renfort de cuir clouté, de tissu léopard et de paillettes.

    Mais cet album n’est pas une blague non plus : Dolly Parton reste une sacrée chanteuse capable de s’attaquer à un monument de la power ballad comme Purple Rain sans trébucher à aucun moment, et sa version de Wrecking Ball chanté avec sa filleule Miley Cyrus – avec qui elle communique uniquement par fax – déclenche aussi de sérieux frissons.

    La production est aussi dégoulinante de gras que sur un disque de rock FM des années 1980 et malgré son respect pour le genre – qui est le préféré de son mari de toujours, Carl Dean – Dolly Parton rappelle avec cet album que le rock’n’roll reste avant tout une affaire qu’il ne faut pas trop prendre trop au sérieux, n’en déplaise aux critiques les plus coincés.

    Icône féministe. Dolly Parton fait ce qu’elle veut – elle n’a jamais eu d’enfant et explique avoir emprunté son look à une prostituée de son enfance – et cette liberté revendiquée est ce qui fait d’elle une icône féministe, même si elle n’a jamais revendiqué le terme.

    Assumant parfaitement ses perruques, ses nombreuses opérations de chirurgie esthétique, ses faux ongles interminables, son maquillage outrancier et ses énormes décolletés qui mettent en valeur sa poitrine devenue légendaire, Dolly Parton est aussi une idole de la communauté LGBTQI+, dont elle a toujours été un fervent soutien, malgré l’apolitisme qu’elle revendique.

    Une des anecdotes les plus drôles sur sa vie est d’ailleurs sans doute celle selon laquelle elle a fini deuxième d’un concours de sosies d’elle-même où les participants étaient des drag-queens.

    Dans une Amérique qui semble plus que jamais au bord de la guerre civile, Dolly Parton semble être la dernière personnalité capable de réunir des vieux trumpistes – son duo avec l’horrible Kid Rock en est la preuve – et une jeunesse de gauche qui la découvre sur TikTok.

    Ce n’est d’ailleurs pas un hasard s’il y a quelques semaines, Dolly Parton a été choisie pour chanter à la mi-temps du match de foot américain de Thanksgiving, le plus important après celui du Super Bowl.

    Habillée avec un mini-short, un crop top et un superbe piercing étoile sur le nombril, Dolly Parton y a fait sensation, même si une partie du public n’a pas supporté de voir une femme de 77 ans oser s’habiller comme une pom-pom girl.

    C’est pourtant absolument réjouissant, et on aimerait que ça dure éternellement. Après la country, la pop et le rock, Dolly Parton a encore le temps de s’essayer à d’autres genres, et à l’image de celle que l’on peut considérer comme une de ses héritières directes (Taylor Swift), on a hâte de découvrir sa prochaine « Era ».

    En attendant, celle de « Rockstar » est déjà le plus grand succès de sa carrière. Ultime preuve qu’il n’y a pas d’âge pour se mettre au rock’n’roll.

    Crédit photo : Vijat Mohindra

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