On a classé les albums des White Stripes (du moins bon au meilleur)

On fête cette semaine le vingtième anniversaire de l’album le plus célèbre du duo de Détroit, "Elephant". Mais est-il vraiment le meilleur de la discographie des White Stripes ? C’est ce que l’on va voir avec ce grand classement des six albums enregistrés par Meg et Jack White entre 1999 et 2007. Spoiler alert : aucun n'est mauvais.
  • 6. "Icky Thump" (2007)

    On vous arrête tout de suite : personne n'a dit que le dernier album des Whites Stripes était mauvais. Comme tous ses prédécesseurs, "Icky Thump" est un excellent disque. Simplement, il en fallait bien un pour occuper la dernière place du classement, et ce sacrifice revient au chant du cygne du duo. Et quel message d'adieu : beaucoup de groupes aimeraient laisser un dernier album comme "Icky Thump". Car sur leur dernier disque studio, les White Stripes se lâchent complètement.

    Profitant de moyens qu'on imagines illimités, ils passent pour la première fois des semaines en studio pour peaufiner les différentes prises de morceaux foufous où l'on trouve de la trompette (Conquest), de la cornemuse (l'enivrante ballade Prickly Thorn, but Sweetly Worn) et toutes sortes de claviers, et ce dès l'Univox entendu dans le fabuleux morceau éponyme d'intro, politique et sous influence Robert Plant, avant un Wurlitzer dans le titre le plus long de la carrière des White Stripes, l'épique 300 M.P.H. Torrential Outpour Blues.

    Mais tout ça est un peu un trompe-l'œil, dans la mesure où "Icky Thump" marque le grand retour à la marque de fabrique du duo : la guitare et la batterie qui tâchent, comme en attestent les riffs terribles de Little Cream Soda et Rag and Bone, où Meg et Jack enregistrent une adorable section spoken word. Alors pourquoi ce classement ? Parce que malgré les experimentations évoquées, il y a un léger sentiment de déjà-vu sur "Icky Thump", et l'écoute est forcément un peu ternie par le fait que l'on a appris rétrospectivement que l'entente n'était plus la même entre Meg et Jack en 2007, année de leurs derniers concerts avant leur séparation officielle en 2011.

    Pépites cachées : l'enchaînement final I'm Slowly Turning into You, A Martyr for My Love for You, Catch Hell Blues, Effect and Cause.

    5. "The White Stripes" (1999) 

    Quand les White Stripes ont débarqué en 1999, on dira pour prendre des pincettes que le rock n'était pas au mieux. Il faut donc imaginer l'effet produit par la découverte à l'époque du premier album de ce duo de Détroit, qui revenait aux fondamentaux en passant le blues et le rock des pionniers à la moulinette d'un jeu de guitare brutalement distordu et d'une rythmique aussi désarmante de simplicité que d'efficacité.

    "The White Stripes" est un disque explosif et énervé, qui respire l'énergie incontrôlable de la jeunesse du groupe, et ce dès le morceau d'intro, Jimmy the Exploder, où Meg et Jack jouent comme s'ils voulaient se battre avec nous. À partir de là, l'album déroule pied au plancher et quasiment sans temps mort, enchaînant les pépites garage fuzz – Cannon, Astro, Screwdriver, Broken Bricks – comme s'il en pleuvait avec un son qui va traumatiser une génération d'artistes.

    Même les reprises – Stop Breaking Down, One More Cup of Coffee, St. James Infirmary Blues – sont incendiaires, tout comme le très politique The Big Three Killed My Baby, où la puissance et l'énergie du duo confinent presque à la rage pure. Le premier album des White Stripes n'est peut-être pas parfait, mais il est incroyablement cool et grisant – on reste encore poli – et avec sa production très sèche, il sonne toujours aussi bien aujourd'hui.

    Pépites cachées : cet album est en quelque sorte une pépite cachée. Mais quand même : Sugar Never Tasted So Good, Wasting My Time, I Fought Piranhas.

    4. "De Stijl" (2000)

    Si le premier album des White Stripes avait fait l'effet d'une claque, c'est avec le deuxième qu'il est devenu évident que ce groupe pourrait réaliser de grandes choses. Plus concis et moins monodimensionnel que son prédécesseur, "De Stijl" est le premier grand disque du duo.

    Comme sur "The White Stripes", on y trouve certes encore des déflagrations punk blues à la pelle – mais moins de reprises – et des saillies sauvages de garage promptes à réveilles les morts (Hello Operator, Let's Build a Home, Jumble Jumble).

    Mais l'écriture de Jack White commence à se diversifier, et ses progrès à l'orchestration sont déjà patents : Apple Blossom est une chanson pop parfaite et le folk zeppelinien de I'm Bound to Pack It Up est absolument charmant.

    Et visuellement, les White Stripes commencent également à montrer qu'ils ne déconnent pas du tout, avec cette pochette et ce nom d'album qui rendent hommage au mouvement artistique néerlandais connu notamment pour les œuvres minimalistes de Mondrian. Et dire qu'à l'époque, Jack et Meg White avaient tout juste 25 ans...

    Pépites cachées : Sister, Do You Know My Name?, Truth Doesn't Make a Noise, Why Can't You Be Nicer to Me?

    3. "Elephant" (2003)

    Le voici, l’éléphant dans la pièce que tout le monde ou presque attendait. Un peu d’honnêteté pour commencer : si la mélodie bondienne de Seven Nation Army n’était pas devenue l’une des rengaines les plus pénibles du monde, "Elephant" serait peut-être classé plus haut dans cette liste. Mais c’est ainsi, le quatrième album des White Stripes a été dévoré par ce qui est désormais l’une des chansons les plus célèbres de l’histoire.

    Et pourtant, il y a tellement de morceaux qui le mériteraient tout autant sur "Elephant", ce disque fétichiste enregistré à Londres sur un vieux magnétophone analogique huit-pistes, sans aucun ordinateur et uniquement avec des instruments antérieurs à 1963 – une obsession vintage d’ailleurs assez visionnaire pour l’époque. Après leur révélation aux yeux du monde avec "White Blood Cells", les White Stripes avaient la possibilité de devenir le plus grand groupe de rock du monde, et ils n’ont pas laissé passer l’occasion.

    "Elephant" est un album énorme, réellement pachydermique, et vingt ans plus tard, le sentiment qui prédomine à son écoute est toujours l’excitation. L’excitation d’entendre sur Black Math un des riffs les plus dingues des dernières décennies – en sachant qu’il suit celui de… Seven Nation Army.

    Au rayon exaltation aussi : le son de batterie répétitif de Meg White sur The Hardest Button To Button, son chant sur la ballade crépusculaire In The Cold, Cold Night, les vocalises terriblement sexy de Jack White sur la guitare saturée de Little Acorns, les moins de deux minutes garage punk de Hypnotize, les solos acides et la rythmique lascive de Ball and Biscuit, ou encore le chant à trois voix avec Holly Golightly sur Well It's True That We Love One Another, élue ballade la plus choupinette du monde. Alors, chef-d’œuvre ? Chef-d’œuvre.

    Pépites cachées : quasiment tout l’album en dehors de Seven Nation Army.

    2. "Get Behind Me Satan" (2005)

    Voilà un choix qui ne fera pas l’unanimité, tant l’avant-dernier album des White Stripes est considéré comme clivant. Mais "Get Behind Me Satan" a ceci de formidable qu’il ne ressemble à aucun autre disque du duo, que certains détracteurs ont longtemps accusé à tort de se complaire dans une forme de répétition. Après le succès étourdissant d’"Elephant", qui marquait l’aboutissement ultime d’une formule, les White Stripes ont dont fait le seul choix artistique respectable possible : aller dans la direction opposée à celle qui avait fait d’eux des stars.

    Derrière la fausse piste du morceau d’intro (Blue Orchid), exit donc une bonne partie des guitares électriques, et bonjour le piano, qui rythme notamment des singles délicieusement groovy – My Doorbell et The Denial Twist – mais aussi de magnifiques ballades acoustiques comme I'm Lonely (But I Ain't That Lonely Yet), beau à pleurer. Ailleurs, Jack White fait bien plus que s’amuser avec les sonorités du marimba – le redoutable Forever For Her (Is Over For Me) – et de la mandoline tandis que Meg White chante sur une comptine féministe (Passive Manipulation) et l’irrésistible Little Ghost.

    Mélodiquement, les morceaux comptent souvent parmi les plus expérimentaux, variés et réussis de la carrière du duo, et contribuent à faire de "Get Behind Me Satan" un album de classic rock au sens le plus noble du terme, c’est-à-dire qui aurait pu sortir en 1971 et rivaliser avec les références du genre de l’époque. Un disque hors du temps, parfaitement sous-estimé et simplement parfait donc, à l’image de sa pochette.

    Pépites cachées : The Nurse, White Moon, Red Rain.

    1. "White Blood Cells" (2001)

    Aucun autre choix possible. Le troisième album des White Stripes est tout simplement l’un des meilleurs jamais enregistrés depuis le passage au troisième millénaire. "White Blood Cells" est à classer dans la même catégorie que le "Is This It" des Strokes, celle des quelques albums ayant ressuscité au début des années 2000 la forme de rock’n’roll la plus délicieuse qui soit : le garage.

    Les White Stripes y abandonnent en effet quelque peu les racines très punk blues de leurs deux premiers albums si adulés des puristes, pour enregistrer un vrai disque de rock garage incandescent , qui renvoie à l’époque une ribambelle d’horribles groupes à leurs études. Dès les premières notes de guitare fuzz sale et presque vicieuse de Jack White sur l’exceptionnel morceau d’intro, Dead Leaves and the Dirty Ground, le ton est donné : "White Blood Cells" est une bombe, et toute une génération d’ados n’a jamais oublié ces seize chansons où Jack White chante l’amour perdu, la trahison et la solitude sur la batterie monolithique de Meg White.

    Et si tout le monde se souvient avoir voulu tout casser en écoutant les perfections garage comme Fell in Love with a Girl, ce sont les quelques ballades disséminées sur l’album qui font encore aujourd’hui tout son charme et continuent de soigner nos petits cœurs fragiles. Sérieusement, combien de groupes peuvent aligner trois morceaux comme Hotel Yorba, The Same Boy You've Always Known et We're Going to Be Friends sur UN SEUL ALBUM ? Réponse : aucun, et il y a donc une certaine justice si les White Stripes ont changé de dimension auprès du public avec ce qui restera toujours leur meilleur disque.

    Pépites cachées : I'm Finding It Harder to Be a Gentleman, Offend in Every Way, I Think I Smell a Rat.

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