Le Red/Blue Album des Beatles est-il le meilleur best of de l’histoire ?

Rééditées ce vendredi 10 novembre dans des versions enrichies et remasterisées, les deux compilations les plus célèbres des Fab Four restent la meilleure portée d’entrée dans leur discographie. Cinquante ans après leur sortie, retour sur l’histoire d’un quadruple best of qui rappelle pourquoi les Beatles sont le plus grand groupe du monde.
  • L’engouement populaire et médiatique qui entoure la sortie du nouveau morceau des Beatles – Now and Then – le prouve : même 53 ans après, le monde ne s’est toujours pas vraiment remis de la séparation du groupe de Liverpool. Imaginez donc ce qu’il en était en 1973. À l’époque, John Lennon et George Harrison sont encore bien vivants, et le monde entier croit alors à une possible reformation des Beatles, car la presse prend évidemment prend un malin plaisir à alimenter les rumeurs.

    Mais en réalité, John, Paul, George et Ringo n’ont aucune intention de se retrouver et chacun tente de percer en solo avec plus ou moins de succès. Pendant ce temps, leur manager maléfique, Allen Klein, cherche un moyen de faire un dernier gros coup financier avec les Beatles, car il sait que ces derniers n’ont nullement prévu de renouveler son contrat qui arrive à expiration à la fin du mois de mars 1973.

    Il profite de la sortie prévue d’un documentaire de Neil Aspinall (le patron d’Apple Records) sur l’histoire du groupe pour imaginer l’accompagner avec un best of qui capitaliserait sur l’appétit persistant du public pour la musique des Beatles depuis leur séparation en 1970. Car Allen Klein a bien vu aussi qu’au même moment, une société (Audio Tape Inc) fait de la publicité en toute impunité pour une maxi compilation bootleg des Beatles ("Alpha Omega"), profitant d’un vide juridique de l’époque aux Etats-Unis.

    Hors de question de laisser passer ça : Klein engage la bataille juridique pour faire cesser cette exploitation commerciale et réclamer des millions en royalties pour le groupe et lui. Et même si le documentaire prévu est annulé – il sortira finalement en 1995 sous le titre "The Beatles Anthology" – les Fab Four doivent toujours un disque à leur label. L’occasion est donc toute trouvée : ce sera un best of, vendu comme « la seule compilation autorisée des Beatles ».

    Malheureusement pour lui, les Fab Four se fichent complètement de ce projet, et on peut les comprendre, puisqu’ils cherchent à tout prix à se démarquer du groupe défunt. Allen Klein entreprend donc de sélectionner lui-même les morceaux de la compilation, et il voit grand. Compte tenu de la richesse de la discographie des Beatles, le best of sera divisé en deux double albums pour couvrir l’ensemble de leur carrière, soit quatre vinyles dont les faces sont pleines à craquer.

    John Lennon raconte alors que George Harrison a été impliqué dans le choix des titres, mais on a un peu de mal à le croire, dans la mesure où ses morceaux sont complètement absents du premier volet, intitulé "1962–1966", et qui va de Love Me Do à Yellow Submarine. Il peut heureusement se consoler sur le second ("1967–1970"), où ses grands classiques (Something, Here Comes the Sun…) côtoient même le Octopus’s Garden de Ringo Starr.

    Pour le reste, les deux compilations sont le testament le plus pur du génie du duo Lennon/McCartney. Jugez plutôt : malgré 26 morceaux/63 minutes sur le "Red Album" et 28 morceaux/100 minutes sur le "Blue Album", ce best of qui contient des dizaines de tubes ne fait qu’effleurer la discographie des Beatles.

    Mais son accessibilité en fait la porte d’entrée idéale pour tomber sous le charme du groupe : un certain Noel Gallagher a reconnu publiquement qu’il ne s’était jamais remis de la découverte de ces deux disques pendant sa jeunesse – et nous non plus.

    Mais si on prend un peu de recul, on doit bien admettre que le Bleu enterre le Rouge. Les chansons d’amour du début de carrière des Beatles sont fantastiques, mais ce que l’on trouve sur la compilation dédiée à « l’âge adulte » du groupe est tout bonnement invraisemblable.

    Combien de groupes peuvent se permettre d’aligner quatre morceaux du niveau de Strawberry Fields Forever, Penny Lane, Lucy in the Sky with Diamonds et A Day in the Life sur une même face d’une compilation qui en comprend… huit ? On connaît la réponse.

    Evidemment, le succès des deux compilations sera retentissant : au total, elles s’écouleront à plus de 30 millions d’exemplaires dans le monde. Mais Allen Klein n’en a pas profité, car leur sortie a été repoussée de quelques jours par le label des Beatles à l’époque, juste le temps pour lui de ne plus être sous contrat avec le groupe.

    Sans lui, ces compilations n’auraient sans doute pas existé, mais Allen Klein le savait mieux que personne : dans la musique comme ailleurs, les affaires sont les affaires.

    Il ne faut pas sous-estimer non plus l’importance des pochettes dans la popularité de ce qui est probablement le meilleur best of de tous les temps. Selon la légende, le rouge et le bleu roi ont été choisis en référence aux couleurs respectives des deux clubs de la ville des Beatles, Liverpool et Everton.

    La typographie 70’s des titres n’a pas pris une ride non plus, et les photos prises avec sept années d’écart par Angus McBean dans les escaliers du fameux bâtiment d’EMI à Manchester Square illustrent parfaitement la transformation physique et musicale des Fab Four. Elles appartiennent tout autant à la légende visuelle des Beatles que les pochettes de leurs albums.

    En 1973, le "Blue Album" et le "Red Album" ont permis aux fans des Beatles de faire leur deuil de l’existence du groupe. Cinquante ans après – et alors que Paul McCartney et Ringo Starr sont désormais octogénaires – on sait évidemment depuis très longtemps que les Beatles ne se reformeront jamais – et tant mieux. Mais on a toujours ces deux compilations pour nous rappeler une vérité aussi simple que réconfortante : la musique des Beatles est immortelle.

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