2022 M03 6
La célébrité peut être à double tranchant. Si certains s’en accoutument bien et n’ont pas de mal à vivre avec, pour d’autres, ça ne passe pas. Libre à chacun d’en jouir ou non, et ainsi de profiter de petits plaisirs qui ont tout du cliché — comme avoir plus facilement une table au restaurant. Mais sortir de l’anonymat a aussi son lot de contraintes. Sans rentrer dans les détails qui mériteraient une enquête approfondie, résumons l’affaire en disant qu’une fois connu, dans un sens, l’artiste ne s’appartient plus. Il est à tout le monde ; à tort ou à raison.
Pour préserver son identité, ses proches, ou simplement pour garder cette liberté, les chanteurs et chanteuses ont donc redoublé de malice dans la façon de se cacher. Dans l’histoire contemporaine de la musique, on peut ranger ces techniques en 4 principales familles.
Il y a d’abord cette première idée de tout simplement prendre un pseudonyme. Parfois, le nom de naissance n’est pas très « vendeur » ou facile à retenir, à l’image de Lio, qui en réalité s’appelle Vanda Maria Ribeiro Furtado Tavares de Vasconcelos. On s'en doute, ça faisait un peu long sur une pochette.
Après le nom vient la tendance des déguisements. Se doter d’une parure permet de s’inventer une identité, éloignée (ou non) de la personnalité de son créateur. Tout de suite, on pense à la clique de George Clinton, le tentaculaire Parliament-Funkadelic. Comme Sun Ra avant eux, les Américains se sont grimés en sorte de gourous venus de l’espace, à cheval entre des cow-boys et des Martiens, avec une excentricité propre à l’afro futurisme. Dans un autre registre, on est obligé d’évoquer le maître en la matière, David Bowie, ou encore Matthieu Chedid alias M, dont tout le monde a en tête son célèbre costume et cette coupe de cheveux discutable.
Puis, le plus évident : se masquer ou se casquer. Alors que la première catégorie est monnaie courante dans le rap, où on ne compte plus le nombre de MC affublés de cagoules, de grosses lunettes ou autre cache-visage (Kalash Criminel, Fuzati, King Ju de Stupéflip, Kekra…), l’exemple le plus célèbre est dans la musique électronique. Il s’agit des robots les plus connus de la planète, les Daft Punk. D’ailleurs, savez-vous comment Thomas Bangalter et Guy-Manuel de Homem-Christo se sont transformés ? Selon Daft World (le plus grand fan officiel de Daft Punk), un « bug informatique intervenu le 9/09/99 » leur aurait fait perdre toute leur humanité. Afin de prouver l’inverse — et pour célébrer les 1 an de leur séparation —, les Français ont récemment diffusé un concert donné au Mayan Theater de Los Angeles en 1997, pendant lequel ils n’étaient pas casqués. Toujours dans la musique électronique, on peut aussi mentionner un autre producteur de chez nous, le fantasque Mézigue, qui ne montre jamais son visage.
Enfin, la dernière gamme de solutions pour rester planqué est sans doute la plus élaborée : créer un univers à soi. Dans ce domaine, les Anglais sont les meilleurs. Directement, on imagine le trip aussi visuel que sonore de Damon Albarn et Jamie Hewlett, Gorillaz. Chez eux, tous les éléments que l’on vient de décrire sont réunis. Afin de pousser encore plus cette idée, le récent auteur de « The Nearer the Fountain, More Pure the Stream Flows » a même confirmé qu’un film d’animation avec les avatars des membres de Gorillaz allait bientôt sortir sur Netflix.
Pour terminer, on est également obligé de vous parler du collectif SAULT. Pour ce cas précis, les membres du groupe ont choisi tout bonnement de ne strictement rien dévoiler d’eux. Ils ne donnent aucune interview, ne partagent pas de photo et laissent simplement leur musique au premier plan. Sur leurs réseaux sociaux, ils verrouillent leur communication à double tour, publiant uniquement leurs actualités artistiques. Une solution aussi radicale que leurs morceaux sont engagés. Et à l’heure de l’hyper accessibilité et de l’instantanéité avec Instagram, Twitter et compagnie, ne rien montrer de soi est un pari sacrément osé.