Il y a 50 ans, Funkadelic sortait son disque ultime : "Maggot Brain"

Le troisième album du groupe mené par George Clinton, sorti le 12 juillet 1971, possède l’un des meilleurs morceaux d’ouverture, ainsi que l’un des solos parmi les plus mémorables du rock.
  • C’est George Clinton qui le raconte. Lors de l’enregistrement de l’album, en studio, il se serait avancé vers son guitariste Eddie Hazel, alors sous LSD, et lui aurait demandé une chose quasi-impossible à réaliser : jouer dans un premier temps comme si sa mère venait de mourir, comme si elle avait survécu dans un second temps, puis de retranscrire ces sentiments dans son jeu. Eddie, 17 piges et grand fan d’Hendrix, aurait alors improvisé durant une dizaine de minutes avec le groupe. Mais même défoncé, George savait qu’Eddy avait exécuté une performance unique.

    En cabine, il ne garde que la prise son du guitariste, utilise un effet populaire dans les années 60 (echoplex) afin de créer une densité grâce à plusieurs couches de sons puis décide que ce solo incroyable et brut sera l’ouverture de « Maggot Brain », le troisième album de Funkadelic, et le dernier avec la formation originale (George Clinton, Ernest Harris, William Nelson, Eddie Hazel, Bernie Worrell, Tawl Ross et Tiki Fulwood). 

    Si avec ce solo, Eddie Hazel se place aux côtés d’Hendrix, de Page et de Clapton, et que son jeu influencera par la suite une flopée de guitaristes, « Maggot Brain » est un disque qui, de A à Z, ne fait aucune faute. Un voyage sur l’autoroute du funk et du rock psychédélique à 210 km/h sans s’arrêter aux péages, avec des orgies de rythmes, des partouzes de genres musicaux, des paroles apocalyptiques (et parfois ironiques) imprégnées de la rage, du sexe et de l’euphorie qui entoure le groupe et sa vision de l’Amérique. Un disque où la guerre de Vietnam, les droits des Afro-Américains, la pauvreté et le ravage de la drogue s’entremêlent. C’est « la bande-son de l’Amérique urbaine, la plus parfaite représentation de la vie des ghettos », écrit le magazine Rolling Stone.

    En résumé : Can You Get to That permet de venir stopper l’hémorragie interne dans vos oreilles causée par le titre d’ouverture Maggot Brain. Hit It and Quit It laisse place aux synthétiseurs pour un hymne funk. Super Stupid donne des sueurs froides à Black Sabbath et Wars of Armageddon, avec ses cris de bébés et de chats, ses sons d’horloge et ses chants « More power to the people », prouve que la musique psychédélique peut, même en prenant des chemins de traverses, faire remonter des émotions enfouies au plus profond de soi. En 37 minutes, Funkadelic retourne le rock, la soul et le funk en même temps.

    Pourtant en 1971, Clinton pensait que Funkadelic était trop noir pour plaire aux jeunes fans de rock et trop blanc pour être apprécié des fans de funk et de soul. À sa sortie, l’album peine à convaincre les auditeurs. Trop avant-gardiste, trop bizarre, trop ceci et trop cela. Le monde n’était pas encore prêt. Petit à petit, avec le temps, les chansons de « Maggot Brain » deviennent cultes. Plusieurs groupes, allant des Red Hot à Audioslave, reprennent des morceaux de Funkadelic et en 1997, c’est Prince (très influencé par Hazel) qui introduit la formation au Hall of Fame. 

    Cinquante ans plus tard, « Maggot Brain » fait partie des albums marquants de 1971 (il y en a un paquet). Sorti la même année que le « What’s Going On » de Marvin Gaye et « There’s a Riot Goin’ On » de Sly and the Family Stone, l’album fait partie de ceux touché par la grâce. La preuve en cliquant juste ci-dessous.