2021 M03 10
Lio a toujours eu deux visages. Au premier abord, elle est une chanteuse pop légère, Lolita insouciante. Mais elle est aussi féministe jusqu’au bout des ongles, prête à tout pour conserver sa liberté. Depuis le début de sa carrière, elle a toujours refusé de se taire ou de laisser la place. Et qu’on n’aime ou pas sa musique, la constance de ses positions a de quoi laisser admiratif.
La réponse de Lio à la question « Faut-il séparer l’homme de l’artiste ? » = 🔥🔥🔥
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Affaire Cantat, sexisme dans l’industrie musicale, patriarcat : toute cette semaine, notre interview de la chanteuse est à lire dans https://t.co/Ja6idsYayN#lesvictimescomptentpaspourdesprunes pic.twitter.com/J1b06spMC1
Elle le confirme encore dans une série d’entretiens sortis au début du mois dans Brain Matin. Elle y taille le patriarcat, entre termes construits et punchline fortes. « Quand j’ai un doigt d’un homme célèbre qui me rentre dans la chatte, je fais pas de différence entre l’homme célèbre et le doigt dans ma chatte » assène-t-elle, fustigeant l’idée de séparer l’homme de l’artiste. Elle revient sur son parcours, et les difficultés d’évoluer dans le monde de l’industrie musicale. « J’ai été ce jouet qui se débat et ils adoraient ça, parce que plus tu te tortilles au bout de l’hameçon plus tu pleures pour te réconforter sur leur putain d’oreiller de merde et plus ça les excite. »
Quelques punchlines du Brain Matin du jour.
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Ces prises de position ne surprendront que celui qui ne connaît pas bien la chanteuse luso-belge. Dès les années 1980, l’interprète de Banana Split n’a de cesse d’affirmer sa liberté. On la retrouve notamment à plusieurs reprises face à Thierry Ardisson et ses questions parfois vaseuses, voire indiscrètes, sans jamais se laisser démonter. Les années passant, son discours se construit, s’affirme comme politique (sans doute grâce à son amitié avec Antoinette Fouque, co-fondatrice du MLF).
Comme elle l’explique à Brain : « Pour moi le féminisme a toujours été une fierté, une nécessité et un honneur. Mais je n’avais pas encore ni déconstruit, ni construit, j’étais une jeune artiste, j’essayais d’exister, d’être autonome, d’avoir ma voie au chapitre et je pensais que c’était acquis tout ça. Donc ça a été très compliqué. » En 2003, notamment, quinze ans avant #metoo, elle livre un bouleversant témoignage, toujours face à Ardisson, sur les violences conjugales dont elle a été victime. L’interview se passe un mois seulement après la mort de son amie Marie Trintignant sous les coups de Bertrand Cantat.
C’est justement cette affaire qui l’aura le plus marquée. Ne pouvant rester silencieuse, elle prend directement parti contre Bertrand Cantat. Le moment le plus marquant de ce débat reste son échange en 2006 avec Muriel Cerf, autrice d’un livre cherchant à minimiser la responsabilité de Cantat. Face à ça, Lio ne sait pas rester silencieuse, et oppose la cruauté des faits au romantisme du chanteur, défendu par Cerf. Si cette position lui apporterait de multiples sympathies aujourd’hui (bien qu’elle fasse encore débat), elle a alors beaucoup coûté à la chanteuse. Elle doit interrompre sa tournée, faute de public. « La société était pour Bertrand Cantat » expliquait-elle en septembre au micro d’Augustin Trapenard. « Elle n’a pas supporté qu'une femme l'ouvre pour remettre en question la culture du viol, une constante chez nous et dans toutes les sociétés patriarcales. Je ne m’en suis pas remise. On ne s’en remet jamais. »
Mais pourtant, Lio continue de l’ouvrir, de défendre ses positions. Dans une récente interview pour Arte Radio, elle ose même s’en prendre à Gainsbourg, devenu intouchable. « J'ai vécu en direct ses comportements plus que spécieux envers les jeunes femmes et son manque de regard, en fait réel, qu'il avait… », détaille-t-elle, allant jusqu’à le comparer avec Harvey Weinstein. Que l’on soit d’accord ou pas, il faut bien reconnaître une bonne dose de courage à la chanteuse. Et chaque année qui passe semble la voir approfondir sa réflexion, l’intégrant tout naturellement au féminisme moderne.
Ainsi, on a pu la voir aux côtés des Femen en 2018, pour célébrer les dix ans du mouvement. Et dans son entretien avec Brain, elle ne cache pas son admiration pour la jeune génération, celle d’Angèle : « Ces filles je les admire à fond, je ne les trouve pas meilleures mais tellement plus futées que moi à l’époque ! »
Elle est même parmi les premières à fustiger une tradition féministe issue de Simone de Beauvoir. Ainsi, en 2016 : « Les tenantes du féminisme actuel, celui qui est le plus répercuté dans les médias en tous cas, est pour moi un féminisme mutilant, puisqu’il consiste à penser la femme ex utero, hors utérus […], à dire que si l’on choisit d’être mère, on se brade en tant que femme. C’est une folie. » Avant d’affirmer plus loin : « Je ne suis pas une femme libérée, je pense que dire cela est une posture », précisant plus loin qu’elle est sans cesse en train de se libérer. Le féminisme de Lio est fier de son corps, de la liberté d’en faire ce dont elle a envie. Et ce droit, dit-elle, lui a toujours été nié par le patriarcat. Ainsi, on retrouve le personnage de Lio telle qu’elle est sur scène. Et l'on comprend qu’on n’a pas affaire à une bimbo insouciante, mais bien une femme en constante affirmation de soi.