2017 M12 15
Nouvelle ère. En tant que première sortie de Death Row, label qu’il a cofondé avec Suge Knight et qui servira de maison-mère à Snoop Dogg et 2Pac, Dr. Dre se devait de marquer le coup avec « The Chronic », un premier album qui reprend les codes du gangsta-rap tel qu’il l’a envisagé au sein de N.W.A. pour mieux le mélanger à un funk hérité des productions de George Clinton (Let Me Ride reprend un sample de Mothership Connection, The Roach emprunte le classique P.Funk au fondateur de Parliament) et à des productions caractérisées par un tempo plus lent et un flow laidback.
Tout en démesure. Il y a bien sûr un tas d’autres emprunts au sein de « The Chronic », comme When The Levee Breaks de Led Zeppelin sur Lyrical Gangbang. Mais la force de cette première livraison, c’est peut-être de se révéler bien plus subtile que son titre ne pourrait le laisser croire –en argot local, la chronic est une variété de cannabis, tandis que la pochette est un hommage aux paquets de feuilles à rouler de la marque Zig-Zag.
Tout au long de ces seize morceaux, on trouve en effet des piques à Eazy-E (« The hood you threw up with, niggaz you grew up with, don’t even respect your ass » sur Fuck Wit Dre Day), des références aux émeutes de Los Angeles de 1992, celles qui ont suivi le passage à tabac de Rodney King (The Day The Niggaz Took Over), ou encore des prises de position étonnamment féministes (Deeez Nuuuts). Avec la réussite que l’on connaît : sorti le 15 décembre 1992, porté par une release party mémorable au Strip Club de Century City avec des actrices pornos et un gâteau couvert de feuilles de marijuana, « The Chronic » squatte plus de huit mois le Top 10 du Billboard et devient un symbole de réussite totale.
Doggystyle. Surtout, « The Chronic » va servir de rampe de lancement à des artistes tels que Nate Dogg, Warren G et Snoop Dogg, présent sur onze morceaux. Parmi les plus belles réussites : Nuthin’ But A « G » Thang, tube incontestable, hymne à la G-Funk, ce versant cool et mélodique du gangsta-rap, chargé aussi bien en basses et en synthés. Une formule qui fera le succès d’albums aussi mythiques que « Doggystyle » de Snoop en 1993 ou « All Eyez On Me » de 2Pac en 1996, mais que Dr. Dre a le mérite de populariser. N’en déplaisent aux fans de DJ Quik, autre précurseur de ce son typiquement West Coast, qui servait alors d’écrin aux textes irrévérencieux des MC californiens.