La version sans batterie du "RAM" des Daft est-elle l’arnaque de l’année ?

Quelques mois seulement après une réédition déjà imposante de son quatrième et dernier album, Daft Punk capitalise une nouvelle fois sur le culte voué à "Random Access Memories" pour en proposer une version sans la moindre percussion. Une idée saugrenue qui a de quoi déconcerter, mais qui n’est pas complètement sans intérêt.
  • Si vous ne supportez pas Daft Punk ou si "Random Access Memories" vous laisse simplement indifférent, on comprend que vous fassiez une indigestion. Après avoir occupé une bonne partie des conversations au printemps en teasant par toutes petites touches la réédition de l’album sorti il y a 10 ans, voilà que le duo – séparé depuis 2021, est-il nécessaire de le rappeler – est encore revenu dans l’actualité à l’automne.

    Certes, ce n’est pas de sa faute s’il a dû démentir les propos un poil optimistes de Thomas Jolly sur sa participation éventuelle à la cérémonie d’ouverture des JO. En revanche, on aimerait bien savoir qui a eu l’idée de cette "Drumless Edition" de "Random Access Memories" annoncée par surprise en septembre dernier.

    Puisque Daft Punk reste évidemment fidèle à son vœu de silence total, tout le monde y va de sa petite hypothèse, et celle selon laquelle les fans commencent à être pris pour des vaches à lait n’est pas la moins populaire.

    Et pourtant, ces derniers auraient tort de bouder cette nouvelle réédition, car cette réédition qui s’adresse à eux possède quelques arguments qui n’intéresseront probablement personne d’autre. Oui, cette "Drumless Edition" est exactement le même album, sans les percussions.

    Ceci mis à part, il n’y a rien en plus et ce sont exactement les mêmes versions des morceaux. La différence se situe donc uniquement au niveau du mix : puisqu’on n’entend plus la batterie, nos oreilles captent bien sûr mieux les autres instruments.

    Autant le dire d’emblée, les premières secondes d’écoute sont plutôt déconcertantes. Comme tous les singles disco de l’album, le morceau d’intro (Give Life Back to Music) tombe un peu à plat sans batterie, même si la "Drumless Edition" permet de mettre en valeur les incroyables qualités rythmiques du jeu de guitare de Nile Rodgers.

    Mais il ne peut quand même pas faire oublier des batteurs de studio de la trempe de John Robinson et Omar Hakim, et personne n’a envie d’écouter Lose Yourself to Dance sans handclaps ni Get Lucky sans charley.

    Là où cette "Drumless Edition" se montre beaucoup plus convaincante, c’est sur les balades comme The Game of Love. Dépourvues de toute percussion, elles se révèlent encore plus bouleversantes que sur l’album d’origine, en particulier Within, où la délicatesse de la partie de piano de Chilly Gonzales fait complètement oublier l’absence des petites touches de cymbales de la version originale.

    On peut en dire autant des pièces orchestrales. Déjà très émouvants à l’origine, le récit historique et les arpèges de Giorgio by Moroder se suffisent à eux-mêmes, même sans le fameux « click on the 24-track », et l’odyssée crépusculaire de Touch réussit à rendre nos yeux encore plus humides dans cette version.

    Nous arrive ensuite une révélation à l’écoute des merveilleux arrangements désormais plus perceptibles de Beyond et Motherboard : ainsi déshabillé, "Random Access Memories" ressemble plus que jamais à la bande-originale perdue d’un film de science-fiction un peu fou des années 1970.

    D’accord, la version Drumless de Contact risque aussi de faire hurler ceux qui ressentent un eargasm à l’écoute de la caisse claire et des breaks de batterie de ce final grandiose.

    Mais elle nous permet aussi d’imaginer ce à quoi pourrait ressembler une résidence dystopique à Vegas où Daft Punk jouerait "Random Access Memories", avec Julian Casablancas en vieux crooner chantant Instant Crush sans batterie devant des fans des Strokes et de Daft Punk devenus trop vieux pour tenter un pas de danse.

    En définitive, cette "Drumless Edition" ne risque pas de remplacer la version originale dans le cœur des fans, mais elle a le mérite de rappeler à quel point le travail mené sur la production de "Random Access Memories" est sensationnel, et pourquoi il s’agit d’un des albums majeurs de la décennie 2010.

    Il ne vous reste plus qu’à investir dans un système hi-fi digne de ce nom pour apprécier à quel point il sonne bien et vous préparer à la réédition 20ème anniversaire de 2033. On croise secrètement les doigts pour une version entièrement instrumentale de l’album dans le style de la « démo » GLBTM. Ou pourquoi pas une version drums only ?

    A lire aussi