2021 M10 26
Le 17 juillet 2020, trois longues années après le début du mouvement #MeToo, son équivalent musical démarrait. D’autres initiatives avaient eu lieu, comme la création de Paye Ta Note, dénonciation anonyme de pratiques nocives, ou une enquête conjointe du collectif CURA et de la Guilde des Artistes de la Musique, mettant notamment en avant qu’une femme sur trois a subi du harcèlement sexuel. L’objectif de MusicToo était clair : libérer la parole des femmes du milieu musical, pour empêcher au maximum les faits de harcèlements et d’agressions sexuelles.
Plus d’un an plus tard, le collectif annonce sa dissolution. Leur communiqué met en avant l’aspect temporaire d’un tel projet, et la difficulté de le porter de manière bénévole et sans structure officielle. Mais surtout, cette fin se veut optimiste. « Il s’agissait de lancer le moteur, mettre un coup de pied dans la fourmilière » déclarent ses membres. « L’impunité est terminée. Il s’agit maintenant d’assumer « responsabilité individuelle et collective […] pour réformer nos organisations ».
Plusieurs chiffres sont mis en avant : entre son lancement, le 18 juillet 2020, et le 1er octobre cette même année, 302 témoignages ont été recueillis, dont une majorité donne le nom de l’agresseur présumé. Ceux-ci ont servi de base à des enquêtes journalistiques par des médias partenaires, en particulier Mediapart et Neon, mais aussi StreetPress. 18 enquêtes ont ainsi été réalisées, et 150 articles ont été écrits sur le sujet. En parallèle, d’autres medias se sont emparés du sujet, comme Tsugi ou Le Monde.
Tous ces articles ont mis en avant l’ampleur du phénomène. Tous les milieux sont touchés, du classique au metal, du plus underground au plus mainstream, de la part de musiciens comme d’autres membres de l’industrie. Ce climat délétère mène à une invisibilisation ou une disparition des femmes du secteur. Favorisant ainsi une ambiance de boy’s club dans le milieu, ceci entraîne un cercle, où les comportements sexistes ne sont même plus remarqués, éloignant encore plus les femmes. En particulier dans les postes de responsabilités, où l'on ne trouve que 14 % de femmes.
Le mouvement #MusicToo a mis en lumière les agressions sexuelles dans la musique mais d'autres combats restent à mener selon les femmes du secteur en France, qui jugent leur légitimité encore trop attaquée et se disent oubliées dans les organigrammes #AFP https://t.co/9TABqX4Fld pic.twitter.com/BosrBBw8lC
— Agence France-Presse (@afpfr) October 18, 2021
De nombreux noms d’agresseurs cumulant de nombreuses accusations ont ainsi été révélés. Le rappeur Retro X (les accusations à son encontre ont ensuite entraîné le licenciement du directeur marketing du label Because Music), le musicien électronique Boy Racer, le label de rock strasbourgeois Deaf Rock Records, le parolier Yohann Mallory, le tourneur metal Rage Tour, ou encore Patrick Bruel. Sans compter des accusations qui ne sont pas directement reliées à MusicToo, mais apparues dans ce contexte de libération de la parole. Le patron de Def Jam France, le rappeur Naps, Roméo Elvis, un membre de Salut C’est Cool, le rappeur Moha La Squale, et d’autres encore. En parallèle, de nombreuses artistes ont pris la parole sur le sujet, parfois pour dénoncer des violences qu’elles ont subies, dont Flore Benguigui de L’Impératrice, Pomme, Suzane, ou Christine And The Queens.
Tout ceci a entraîné des changements dans le secteur. Du côté du Centre National de la Musique, les aides versées aux acteurs impliqués sur ces sujets sont passées de 200 000 à un million d’euros. Quant aux autres acteurs, leur versement de subventions est désormais conditionné à la signature d’un protocole destiné à limiter au maximum les risques d’agression, et surtout à faciliter leur signalement.
Plus largement, il est désormais rare de voir une convention ou un événement sans que le sujet soit abordé, via des tables rondes et conférences. De nombreux podcasts ont également émergé, comme Heavystériques pour la scène metal, renforçant la sensibilisation. Dans leur communiqué, les membres de MusicToo renvoient également vers les nombreux autres collectifs ayant émergé ces derniers mois : Balance Ta Scène, Consentis, Les Catherinettes, D.I.V.A. et bien d’autres.
Malgré tout, comme le soulignait Libération en septembre dernier, la révolution se produit lentement. S’il est clairement mis en avant que le problème est structurel, cela veut donc dire que les majors et les personnes aux plus hauts postes de responsabilité ont leur rôle à jouer. Mais la majorité reste plutôt silencieuse, bien que les demandes d’employés se multiplient, notamment pour avoir des discussions et formations sur le sujet. Pour Lola Levent, manageuse, journaliste et créatrice de D.I.V.A. : «Le bilan de cette année reste mitigé, car comment savoir si les mea-culpa, souvent défaillants, des artistes agresseurs, seront source de remise en question et de changement ? ». Le chemin est encore long, c’est certain. MusicToo aura été un premier pas.