Un enquête Mediapart dénonce la culture du viol dans les scènes punk et metal

La vague #musictoo fait encore sentir ses secousses. Procédant par explosions successives, ce sont les scènes metal et punk qui se retrouvent aujourd'hui sous le feu des projecteurs, suite à une enquête menée par Mediapart. Les mêmes ressorts de domination se retrouvent encore une fois, et ce malgré les valeurs bien souvent affichées.
  • Historiquement, les scènes punk et metal de France ont accueilli les mouvements militants, y compris féministes. Plus largement, ces milieux, pour contrecarrer l’image violente qu’on a pu leur renvoyer, présentent une image bienveillante et accueillante. Malgré tout, cela ne suffit pas à les épargner des affaire d’agressions sexuelles qui touchent malheureusement l’ensemble de la société. C’est ce que révèle une longue enquête de Donatien Huet, publiée le 22 mai sur Mediapart.

    Le journaliste explique avoir interrogé 62 personnes pour réaliser cet article, même si toutes n’y sont pas citées. Et toutes ou presque semblent pointer dans une même direction : il règne dans le milieu une ambiance masculine « testorénonée », propice à laisser subsister des agresseurs sexuels. Comme partout ailleurs, les valeurs affichées peuvent vite être contredites par des mécaniques de domination et d’oppression bien implantées.

    Quelques cas sont principalement mis en avant : celui d’un certain Alexis A., d’abord, travaillant pour la société Rage Tour. Cette dernière est un acteur central en France, produisant des spectacles pour Ultra Vomit, No One Is Innocent, Dagoba ou Tagada Jones. Le chanteur de ces derniers en est d’ailleurs co-fondateur. En novembre dernier, Alexis A. est publiquement accusé par Pauline E. d’agression sexuelle, des fait remontant à 2010. Dans un premier temps, la direction de Rage Tour annonce porter plainte contre cette dernière en diffamation, avant de se rétracter. Selon l’article, la société a même cherché à « museler » les voix qui s’élevaient en soutien à Pauline.

    L’article revient également sur Till Lemoine, leader de Guerilla Poubelle, une figure de proue de la partie la plus contestataire du punk. Féministe et revendiquant l’inclusivité de ses concerts, il est pourtant épinglé par trois anciennes compagnes, qui dénoncent l’emprise toxique qu’il aurait exercé sur elles. Lui comme Alexis A. se défendent de toutes ces accusations.

    D’autres témoignages sont présents, notamment issus du #musictoo à l’été 2020. Mais l’élément central de l’article n’est peut-être pas tant les faits d’agressions que le système tout autour qui leur permet d’exister. Encore une fois, la culture du viol n’est pas l’apanage des musiques dites « extrêmes ». Mais ce milieu, encore très masculin malgré une ouverture de plus en plus grande, n’y déroge pas. « On m’a présenté cette scène comme une grande famille, hyper safe. C’est en réalité un entre-soi hyper masculin, où les rares admises le sont souvent par pur intérêt, romantique ou sexuel » affirme l'une de ces femmes.

    Les remarques sexistes, commentaires déplacés, ou plus largement le manque de considération pour la parole des femmes vont souvent miner leur confiance en elles, et faciliter l’emprise qu’un agresseur peut avoir. « La question des viols et des agressions sexuelles reste un énorme tabou. Les bourreaux sont protégés, et les nanas qui dénoncent se retrouvent un peu mises de côté ». C’est un climat d’omerta générale qui pousse beaucoup de femmes hors de cette scène qui les passionne.

    Si la lecture intégrale de l’article peut paraître déprimante tant cette culture du viol semble omniprésente, des signes d’espoir restent visibles. La libération de la parole en cours peut amener du changement. Plus largement, toute une série d’initiatives semblent aller dans le bon sens. Le Hellfest, notamment, suite à un viol ayant eu lieu sur le site en 2019, souhaite renforcer son action de sensibilisation. Par ailleurs, les femmes se mobilisent de plus en plus pour lutter contre ce phénomène. L’enquête mentionne notamment l’association Salut Les Zikettes, qui organise des ateliers à destination des femmes, apprenant à structurer son groupe ou produire un concert, et surtout se sentir plus légitime. On retrouve également le podcast Heavystériques qui, depuis décembre 2020, donne la parole aux femmes de cette scène.

    « Quand les concerts recommenceront, je veux qu’en tant que femmes dans cette scène, on puisse se sentir plus libres » explique Pauline E. Pour ça, le chemin est encore long, c’est certain. Et il suffit de parcourir le compte instagram MusicToo pour comprendre que l’on n’a certainement pas vu la dernière secousse.