2016 M12 29
Dans les provinces enneigées du nord des États-Unis se situe un endroit clé du quatrième art. Point de départ de Bob Dylan et QG du regretté Prince, le Minnesota s’impose comme un lieu de pèlerinage majeur dans l’indie rock, ce grand chapitre incompris de la musique contemporaine. Des studios partout (Pachyderm, Dove, The Pearl), des maisons de disques omniprésentes (Modern Radio, Afternoon Records…), des salles de concert en veux-tu, en voilà (le mythique First Avenue, Kitty Cat Klub, Triple Rock Social Club…) : les amateurs de la guitare indie peuvent y trouver un tremplin, un lieu de culte et un foyer. Passage en revue de ces formations qui méritent nos applaudissements pour leurs merveilleuses offrandes.
Now, Now. D’une bande de copains du lycée à de vrais frères de tournées, des chambres des proches aux plus grosses scènes underground, Now, Now en aura vu beaucoup en très peu de temps. Et c’est très certainement ce qui fait le charme de la jeune formation américaine. Après plusieurs changements de noms, des premières parties salutaires et des contrats sur des petites structures locales, la triplette formée par Cacie Dalager, Brad Hale et Jess Abbott se place comme un digne et logique prétendant à la relève grâce à ses musiques ivres, entre rock sonique et plages ambiantes. Protégé de Trans-Records (label du grand monsieur Chris Walla, ex-Death Cab For Cutie), le groupe entretient continuellement le teasing de son prochain album, en cours d’écriture dans une chambre de post-adolescent de Minneapolis. La hâte s’installe.
Communist Daughter. C’est la fabuleuse histoire d’un homme sauvé par la musique. Figure de proue de la scène des Twin Cities au sein du groupe Friends Like These, John Solomon chute dans les tourments provoqués par la consommation excessive d’alcool et de drogues. Prisonnier de lui-même, fuyant ses démons, il accepte de porter son fardeau pour en extraire des chansons, finalement regroupées dans le premier album de son nouveau groupe : Communist Daughter. Une demi-décennie plus tard, Solomon et sa bande reviennent avec un troisième disque plein de guitares gratinées et de textes toujours aussi personnels, « The Cracks That Built The Wall ». Comme quoi, reconstruire une partie fissurée de soi-même n’est jamais bien difficile quand on a l’âme d’un charpentier.
Low. Que dire de cet icône du rock indépendant américain, plus de deux décennies après ses débuts ? À dire vrai, pas grand-chose tellement les élucubrations de son frontman Adam Sparhawk ont été racontées au cours des onze disques qui calibrent la discographie du groupe. Low, c’est ce phare dans l’obscurité qui, paradoxalement, excelle dans une musique cérébrale terriblement grisâtre et sensible. Il n’y a qu’à écouter ses quelques merveilles, comme « Things We Lost In The Fire » (2001), « The Invisible Way » (2013), « Trust » (2002) ou le renversant « Ones And Sixes » (2015), pour verser une larme inconsciente ou pour faire violence à notre propre condition humaine. Plus qu’un bon cru, un millésime du coin.
Retribution Gospel Choir. Côté obscur ou côté lumineux de Low ? Difficile de répondre puisque Retribution Gospel Choir n’est autre qu’un side-project de… Low. Ici, la voix de Sparhawk se fait tout aussi belle mais plus décontenancée. C’est aussi plus énergique et voluptueux que la musique du trio originel car Adam Sparhawk s’entoure de son escouade habituelle pour pousser son songwriting au-delà des frontières. Autant mélancolique que souriant, raffiné qu’esthétique, Retribution Gospel Choir est autrement plus incisif, avec une chorale qui n’en reste pas moins céleste. Une autre idée des incantations religieuses.
Poliça. Les enchevêtrements mélodiques du groupe n’auront pas tardé à faire écho, dès 2012, à la sortie du très gracieux « Give You To The Ghost ». Depuis, les éloges se succèdent, balayant d’un revers nonchalant de la main les critiques, si bien qu’on ne les entend même plus. « C’est le meilleur groupe que j’ai jamais entendu », déclare un jour le grand artificier Bon Iver, aussi clair qu’intransigeant. On acquiesce sans même réfléchir. La parole du sage s’accompagne tout de même d’excellents arguments. Car, oui, quel exercice fastidieux que de maîtriser autant la mélancolie que la dance-music. Avec Poliça, on navigue entre bourdon et tristesse, extase spirituelle et déflagration physique. Et ils se font rares, les groupes qui suscitent autant la fascination.
Drumbeat. C’est l’histoire d’un groupe sans prétention, sans label et sans management, qui privilégie avant tout le plaisir de la musique plutôt que la poursuite d’une carrière en dents de scie. Au départ pourtant, Drumbeat, composé de quatre américains, porte mal son nom, mais il pratique la haute voltige, un peu comme des enfants dissipés qui ne parviendraient pas à choisir entre My Bloody Valentine, Mogwai ou The Cure. En résulte une musique à mi-chemin entre indie-rock et dream-pop, allant même jusqu’à décoller comme les lointains cousins de l’église post-rock : doux comme un linge de nourrisson ou incisif comme une roche volcanique, Drumbeat file à la vitesse du vent du Midwest.