2017 M05 6
De « Creep » à « OK Computer ». Le troisième album de Radiohead, le plus vendu à ce jour, est né d’un traumatisme : celui de Thom Yorke qui ne supporte plus ce qui est alors le tube du groupe, Creep, réclamé à chacune de leurs performances. Il le joue de mauvaise grâce en concert, crie sur tous les toits que c’est un mauvais morceau, se désespère lorsque Bill Clinton en personne chante ses louanges. Jusqu’à ce jour où il se retrouve dans un magasin d’ordinateurs et se pose LA question : et si un ordinateur conduisait une voiture ? Jusqu’où peuvent aller les nouvelles technologies et le consumérisme ? Les machines ont-elles une âme, et devenons-nous nous-mêmes robots ? Une réflexion qui devient le point de départ de « OK Computer », le premier disque synthétique de Radiohead.
Un enregistrement laborieux. Grâce au succès commercial de « The Bends », Radiohead dispose d’un budget de 100 000 livres pour faire son nouveau disque, que le groupe veut enregistrer seul, au fin fond de la campagne. Les musiciens se retrouvent dans le studio Canned Applause, dans le Yorkshire. Mais rien de concret ne sort de leurs sessions. Ils se souviennent alors d’un ingénieur du son surdoué qui avait remplacé au pied levé le producteur de The Bends, John Leckie. Il s’appelle Nigel Godrich et c’est lui qui, appelé à la rescousse, réussit à canaliser l’inspiration foisonnante de Thom Yorke. Après une pause consacrée à des concerts, le groupe termine le disque dans une belle bâtisse située près de Bath, St Catherine’s Court, où The Cure enregistra « Wild Mood Swings » et New Order « Waiting For The Sirens’ Call ».
L’album de la consécration. Dès sa sortie, le 3 juin 1997, la critique est unanime : Radiohead achève définitivement la tendance grunge. Bourré de références (de Miles Davis à Dylan en passant par DJ Shadow), s’inscrivant déjà dans la veine anti-commerciale du groupe avec un single de 7 minutes, Paranoid Android, et, surtout, coupant tout lien avec Creep. Ici, le son est progressif, délibérément synthétique, l’écriture volontiers abstraite, parfois engagée. À la fois déroutant et accessible, doté d’une ribambelle de tubes, de No Surprises à Karma Police en passant par Lucky, que Brian Eno himself considère comme l’une des plus belles chansons qu’il ait jamais écouté, « OK Computer » signe l’entrée de Radiohead dans la cour des groupes plus cérébraux qu’instinctifs, et les couronne d’une aura quasi sacrée… qui, 20 ans après, n’a pas faibli.