Wes Anderson : ses 10 meilleures scènes musicales au cinéma

Il est probablement le réalisateur dont la patte est la plus reconnaissable au monde. Et que serait la signature de Wes Anderson sans ses choix musicaux aussi emblématiques que sa photo et ses couleurs pastel, ses acteurs fétiches, ses décors vintage, ses ralentis et ses travellings ? À l'occasion de la sortie dans les salles d'Asteroid City, son onzième long-métrage, on a sélectionné nos dix choix musicaux préférés dans son œuvre (un par film).
  • The Rolling Stones – 2000 Man (Bottle Rocket, 1996)

    En matière de musique, la carrière de réalisateur de Wes Anderson a commencé fort. Dès son premier long-métrage, il s'offre une bande-originale composée par Mark Mothersbaugh de Devo, où l'on retrouve aussi des morceaux que l'on imagine coûteux, avec deux grands classiques de Love (Alone Again Or, 7 and 7 Is).

    Mais ce qui impressionne le plus, c'est la présence d'un morceau sous-estimé des Roling Stones, le 2000 Man qui apparaît sur leur album psychédélique bien meilleur qu'on ne le dit, "Their Satanic Majesties Request" (1967).

    Ce titre marqué par l'orgue de Nicky Hopkins accompagne dans le film le pauvre personnage joué par Owen Wilson lorsqu'il tente d'échapper à la police après un casse raté. Cette course poursuite loufoque dont le découpage épouse parfaitement les changements de rythme du morceau prouvait que dès ses débuts, Wes Anderson savait ce qu'il faisait.

    Faces – Ooh La La (Rushmore, 1998)

    Wes Anderson sait comment conclure un long-métrage en beauté. Dans la dernière scène de ce film sur le passage à l'âge adulte, le jeune héros incarné par Jason Schwartzman accepte l'invitation de sa professeure (Rosemary) à danser, et comme il a pris la confiance, il demande au DJ de passer un morceau un peu plus pêchu.

    Ce sera un grand classique des Faces – chanté par Ronnie Wood, le futur guitariste des Stones –, énième classique du rock britannique que l'on entend dans ce film obsédé par la British Invasion.

    Cerise sur le gâteau : la synchronisation est parfaite, puisque le générique commence sur des paroles qui font parfaitement écho au chemin parcouru par le héros : "I wish that I knew what I know now, when I was younger". La classe, tout simplement.

    Nico – These Days (La Famille Tenenbaum, 2001)

    Ah, la scène des retrouvailles entre Margot et Richie… Comme d'habitude, elle est en retard, mais comme son demi-frère, on lui pardonne. Lorsque Gwyneth Paltrow descend du bus de la Green Line au son de la voix de la chanteuse allemande à la voix grave si particulière, tout le bruit disparaît et le temps ralentit pour le personnage de Luke Wilson comme pour nous.

    Après toutes ces années, les sentiments de Richie pour Margot sont toujours aussi puissants, et le joueur de tennis reste bouche bée devant la beauté de sa demi-sœur adoptée. La chanson de Nico se termine sur un câlin qui aurait pu être autre chose, mais c'est déjà trop pour nos petits cœurs réduits en sucre par les violons de These Days. Gare à vous si vous avez le même maquillage que Margot... Scène archi-culte.

    Iggy & The Stooges – Search and Destroy (La Vie aquatique, 2004)

    Bien sûr, la musique de ce film est surtout connue pour le travail du Brésilien Seu Jorge, qui a repris brillamment en portugais le répertoire de David Bowie, au point de recevoir les compliments de celui-ci.

    Mais notre scène musicale favorite est celle où l'océanographe frustré joué par Bill Murray décide de se rebeller contre les pirates qui ont pris le contrôle de son navire (le Belafonte) au son du Search and Destroy des Stooges.

    C'est une scène totalement absurde comme Wes Anderson sait les faire, et voir un Bill Murray en peignoir mettre en fuite les pirates à lui seul avec un pistolet au chargeur infini est aussi rock'n'roll que la voix d'Iggy Pop et la guitare de James Williamson sur ce morceau violent qui ouvre le classique "Raw Power".

    The Kinks – This Time Tomorrow – (À bord du Darjeeling Limited, 2007)

    On a déjà dit que Wes Anderson savait achever un film en beauté, mais on n'avait pas encore évoqué ses introductions. Celle de ce film est particulièrement savoureuse, puisqu'on y voit Bill Murray courir en vain après son train en Inde, et être dépassé par un jeune homme fringant joué par Adrien Brody, qui réussit lui à monter à bord.

    Ce sprint sur le quai est filmé au ralenti sur le This Time Tomorrow des Kinks, le premier des trois morceaux du groupe – tous issus de l'excellent album "Lola Versus Powerman and the Moneygoround, Part One" – utilisés dans ce film, où l'on entend aussi beaucoup de titres du compositeur et réalisateur indien Satyajit Ray, en cohérence avec le pays qui est arpenté par les personnages du Darjeeling Limited.

    Wes Anderson l'a bien compris : on n'a jamais assez de chansons des Kinks dans sa vie.

    The Bobby Fuller Four – Let Her Dance (Fantastic Mr. Fox, 2009)

    Encore une conclusion brillante. Pour terminer son premier long-métrage d'animation, Wes Anderson réunit les animaux du film dans les allées de leur nouveau supermarché, où M. Fox allume une dernière fois son drôle de walkman. Après leurs aventures éprouvantes, tous les personnages se mettent à danser sur Let Her Dance – chacun dans un style bien particulier – tandis que la caméra s'éloigne et laisse la place au générique.

    Comme la plupart des morceaux que l'on entend dans les films de Wes Anderson, ce banger rock'n'roll de 1965 est une idée de Randall Poster, le superviseur musical du réalisateur, qui bosse aussi avec un certain Martin Scorsese. En 2014, il racontait à Rolling Stone avoir conservé jalousement ce titre pendant des années avant de trouver le film idéal de Wes Anderson pour la placer. Sa patience a été récompensée.

    Françoise Hardy – Le Temps de l'Amour (Moonrise Kingdom, 2012)

    S'il ne fallait garder qu'une scène musicale de Wes Anderson, ce serait elle. Dans Moonrise Kingdom, deux adolescents décident de fuir le monde des adultes pour vivre leur amour tranquillement sur une plage isolée où ils installent leur campement.

    Dans leurs valises, il y a bien évidemment un pickup portable pour lire des 45 tours, sur lequel la jeune Suzy (Kara Hayward) pose ce single légendaire de Françoise Hardy, composé en 1962 par Jacques Dutronc, l'amour de sa vie.

    On ne fait pas plus romantique, jusqu'à ce que Suzy et Sam (Jared Gilman) se mettent à danser bizarrement et à s'embrasser maladroitement en se prenant pour les adultes qu'ils ont quitté. C'est à la fois drôle, touchant et gênant, mais c'est surtout une scène inoubliable sur l'adolescence et la découverte de l'amour.

    Et il n'y a pas mieux que la voix de Françoise Hardy pour accompagner ce sentiment.

    Alexandre Desplat – Canto At Gabelmeister's Peak (The Grand Budapest Hotel, 2014)

    La musique de ce film est un cas à part dans la filmographie de Wes Anderson, puisqu'elle a été entièrement confiée à Alexandre Desplat et ne contient aucun morceau préexistant. Déjà intervenu sur Fantastic Mr. Fox et Moonrise Kingdom, le compositeur français signe une bande-originale impressionnante, qui rend hommage à la musique traditionnelle russe.

    Cette BO est dominée par la présence de la balalaïka, un instrument russe, joué ici en masse par deux orchestres, dont un venu de Russie. Résultat ? Un Oscar mérité pour Desplat, et un film réhaussé par une musique à la fois enchanteresse et épique, dont certaines mélodies ne sortent jamais de la tête. C'est le cas dans cette scène de poursuite à ski parodiant James Bond et rythmée par des chœurs grandioses.

    The West Coast Pop Art Experimental Band – I Won't Hurt You (L'Île aux chiens, 2018)

    Quoi de plus émouvant que cette scène où le jeune Atari cherche son fidèle compagnon à quatre pattes (Spots) sur une île transformée en poubelle géante où tous les chiens de la ville ont été bannis ?

    Suivi de cinq canidés très mignons qui l'aident dans sa quête, Atari traverse les décors apocalyptiques de Trash Island au son d'une pépite psychédélique de The West Coast Pop Art Experimental Band, groupe californien 60's emblématique des compilations Nuggets.

    Ce morceau d'une délicatesse infinie semble avoir été composé pour illustrer le lien affectif unique qui nous relie à nos animaux, et inutile de préciser qu'à moins d'être un monstre sans cœur, cette scène fait pleurer à tous les coups.

    Jarvis Cocker – Aline (The French Dispatch, 2021)

    Pour son film hommage à la France et tourné à Angoulême, Wes Anderson a encore fait appel à Alexandre Desplat, mais c'est surtout la contribution du leader de Pulp que l'on retient. Pour l'occasion, Jarvis Cocker incarne en effet un chanteur fictif nommé Tip-Top, qui reprend des grands standards de la pop française – Bardot, Gainsbourg, Hardy…

    Sa version du célébrissime Aline de Christophe a eu droit à un clip animé réalisé par Anderson, et elle apparaît dans une scène absolument charmante du film, où l'étudiant moustachu joué par Timothée Chalamet lance le morceau sur un jukebox malgré les protestations de l'étudiante révolutionnaire incarnée par Lyna Khoudri.

    Musique pop qui fait pleurer, travelling arrière, symétrie des corps, décor qui s'ouvre pour révéler une adorable ruelle française très clichée de l'époque Mai 68 : pas de doute, nous sommes bien chez Wes Anderson.

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