2022 M11 22
The Rolling Stones – Jumpin’ Jack Flash (Mean Streets, 1973)
Première collaboration entre Robert et Marty, et premier chef-d’œuvre. Un jeune De Niro inconnu du grand public fait une entrée fracassante dans le cinéma de Scorsese, au ralenti dans un bar de New York baigné d’une lumière rouge digne du purgatoire, une jeune fille à chaque bras, sous le regard médusé et inquiet de Harvey Keitel.
Ajoutez un des riffs les plus emblématiques de Keith Richards, et vous obtenez sans doute la scène la plus célèbre d’un film fondateur qui ne manque pourtant pas de grands moments musicaux.
Jackson Browne – Late for the Sky (Taxi Driver, 1976)
Robert De Niro encore, mais cette fois seul devant sa télé avec son flingue dans la main droite, pendant que des jeunes couples heureux dansent dans une émission au son de la musique suave de l’artiste californien.
D’abord tenté de coller une balle dans son poste, Travis Bickle semble finalement captivé par ce qu’il voit et entend, et les paroles de Jackson Browne sur la solitude font merveilleusement écho à la situation personnelle de ce vétéran du Vietnam. Un moment de cinéma suspendu.
Pietro Mascagni – Cavalleria Rusticana/Intermezzo (Raging Bull, 1980)
Scorsese est surtout connu pour son amour du rock, mais il a utilisé avec brio bien d’autres styles de musique dans sa filmographie.
La preuve avec les crédits d’ouverture et la scène d’introduction indépassable de Raging Bull, qui voit Robert De Niro – qui ça ? – se balancer de gauche à droite et envoyer des droites au ralenti à l’arrière-plan du ring, devant la caméra fixe de Michael Chapman et sa pellicule en noir et blanc.
Grâce à l’apport de la musique symphonique grandiose de Pietro Mascagni, on a presque le sentiment d’assister à une scène de danse dans un rêve.
Warren Zevon – Werewolves of London (La Couleur de l’argent, 1986)
Pas le film le plus aimé de Scorsese – euphémisme – mais il contient l’une des scènes les plus cultes de la filmographie de Tom Cruise.
Le jeune acteur incarne alors un jeune prodige du billard, qui démontre tout son talent et son arrogance dans cette scène chorégraphiée où il enchaîne les coups réussis en chantant et en dansant avec un sourire carnassier – allant même jusqu’à utiliser sa queue de billard comme un katana – au son de ce tube piano rock de Warren Zevon.
Si cette scène vous laisse dans le même état que le personnage joué par Paul Newman, consultez un médecin.
The Crystals – Then He Kissed Me (Les Affranchis, 1990)
Comme beaucoup d’autres dans la riche filmographie de Scorsese, la musique de ce long-métrage mériterait un article à elle seule.
Mais s’il ne fallait retenir qu’une seule scène, ce serait le plan-séquence steadicam impressionnant du Copacabana, où Henry (Ray Liotta) fait entrer sa copine Karen (Lorraine Bracco) dans le club par une porte dérobée, avant de lui faire traverser les cuisines et de l’amener à la meilleure table en distribuant les biftons de 20 dollars pour lui en mettre plein la vue.
Avec les harmonies vocales et le Wall of Sound Spectorien caractéristique de ce classique bubblegum pop, on reste sans voix.
The Rolling Stones – Can’t You Hear Me Knocking (Casino, 1995)
Vous ne pensiez tout de même pas voir un seul morceau des Stones ? Après le plan-séquence, place au montage ébouriffant qui accompagne les sept minutes du jam de l’album "Sticky Fingers" (1971), car oui, le morceau est joué en intégralité dans le film.
Et il n’y a pas grand-chose de plus excitant au cinéma que d’entendre la voix-off de Joe Pesci nous expliquer ses escroqueries à Vegas sur le montage signature de Thelma Schoonmaker avec l’un des titres les plus épiques et originaux des Rolling Stones en bande-son.
The Clash – Janie Jones (A tombeau ouvert, 1999)
Un autre film très sous-estimé de Scorsese, mais rien que pour sa bande-originale, on a envie de le sauver.
Cette scène où le personnage d’ambulancier dépressif et épuisé joué par un Nicolas Cage fonce « à tombeau ouvert » dans la nuit new-yorkaise est parfaitement accordée au morceau punk génial qui ouvre le premier album des Clash.
Il est juste dommage que ce passage ne dure pas plus longtemps. Mais l’intensité est telle que la caméra finit comme notre tête quand on écoute le groupe à fond : à l’envers.
Plastic Bertrand – Ça plane pour moi (Le Loup de Wall Street, 2013)
Le film constitue l’apothéose de la carrière de Scorsese. Une œuvre complètement folle et punk, à l’image de sa bande-originale qui réhausse des scènes démentes (Gloria lors du naufrage, Mrs. Robinson lors de l’intervention du FBI à la fin…).
Mais on préfère revenir sur ce moment improbable où le personnage de banquier suisse joué par notre Jean Dujardin national est arrêté par le FBI au son du tube de Plastic Bertrand et d’un monologue bien énervé de DiCaprio, dans la plus grande tradition du réalisateur.
Et en bonus, si l'usage que Martin Scorsese fait de la musique vous intéresse, on vous conseille cette conférence donnée par le rock critic Michka Assayas à la Cinémathèque de Paris en 2015, à l'occasion de l'exposition consacrée à Marty.