Joyeux anniversaire InFiné !

  • Le label fondé par Agoria, Yannick Matray et Alexandre Cazac fête dix ans de ponts entre les genres avec une compilation des familles (Rone, Aufgang, Danton Eeprom…) : l’occasion d’une interview bilan à mi-parcours.

    Question pratique : comment avez-vous lancé InFiné ?

    Yannick : Sur nos fonds propres. On faisait plusieurs métiers en même temps, dans plusieurs bureaux différents : je travaillais à l’Adami au début. Depuis quatre ans, on est 100% sur InFiné.

    Alexandre : Il y a dix ans, le label Warp me contacte pour installer une antenne en France. Je dis : « OK, mais à condition de pouvoir créer mon label à côté. » Et puis, on venait quand même de la musique électronique dont la production est moins coûteuse – c’était déjà vrai à l’époque.

    « On sait passer du piano à l’électronique. »

    Paradoxalement, votre premier album est celui de Francesco Tristano : du piano hybride, par un inconnu. C’était plus périlleux que du 100% électronique.

    Alexandre : On est assez paradoxaux mais Francesco, c’est quand même accessible ! Et puis il a vraiment personnalisé cette envie de développement de chemins en biais qui ont caractérisé InFiné. Ce qui fait que, parfois, les gens ne nous comprennent pas par rapport à des labels anglais qui enchainent les disques de bass-music, de bass-music… Nous, on passe du piano à l’électronique.

    C’est ça, la définition de votre ligne musicale ? Un mélange entre le classique et l’électro ?

    Alexandre : On a la chance d’avoir pas mal de musiciens, alors qu’au début de la scène électronique, il y avait surtout des producteurs. Nos musiciens viennent avec une technique du piano et éclatent les frontières en allant vers les autres genres ; c’est quand même grâce à à Tristano qu’on a fait Aufgang, qu’on a rencontré Bachar Mar-Khalifé, Carl Craig… Quand Tristano a repris le Strings of Life de Derrick May, il m’est arrivé un truc de dingue. J’étais coincé dans ma voiture avec Carl Craig et Mad Mike qui cherchaient des piles pour un clavier à une heure du matin, parce que l’un d’eux voulait répéter dans sa chambre d’hôtel. J’avais le CD-R de Strings Of Life, je le mets dans ma voiture. Et là, Mad Mike devient fou. Il appelle Jeff Mills et lui fait écouter au téléphone. Les mecs sautaient au plafond.

    Vous faites une différence entre l’art et le divertissement ?

    Yannick : J’ai le sentiment qu’on est à la frontière des deux dans notre approche des sujets. Tant mieux si l’art peut être divertissant. On nous dit parfois qu’il faut être un peu « initié » pour notre musique. Mais on crée aussi de l’événement, du pur divertissement.

    « Rone, tout le monde nous disait que ça ne marcherait jamais. »

    Bon, maintenant, vous savez quand vous tenez un hit ?

    Yannick : Pas vraiment, mais on a des intuitions. Avec notre expérience, on se doute que le prochain Rone est attendu, pas besoin d’avoir fait le HEC de la musique pour le comprendre. Rone, tout le monde nous disait que ça ne marcherait jamais, les bookeurs n’en voulaient pas ! Depuis, il a fait deux Olympia et il va bientôt faire une Philharmonie.

    D’où vous vient ce goût de l’expérimentation ?

    Alexandre : On avait un tableau blanc quand on a commencé, et des références comme Ninja Tune, Warp… On voulait aller là où les autres n’étaient pas encore allés. Rééditer Bernard Szajner par exemple – un type qui n’est pas au niveau où il devrait être en France – c’est très important dans notre parcours. J’espère qu’on rééditera plus de choses.

    Yannick : Par exemple, on publie depuis deux ans les compilations « Explorer », qui nous font faire le tour de la planète sur internet. Là on sort notre compilation des dix ans : « Tomorrow sounds better with you », un clin d’œil non passéiste à la French touch. Cette compilation a été pensée par nos anciens « stagiaires » qui aujourd’hui travaillent quasiment tous dans la musique. On est aussi super fiers de ça, d’avoir été une sorte d’incubateur, puis une famille.

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