2018 M02 14
Le combat continue. En 2018, c’est triste à dire, mais nombreux sont encore ceux qui considèrent le rap comme un genre profondément misogyne. Quelques exemples célèbres, c’est vrai, permettent d’appuyer cette accusation : Bitches Ain’t Shit de Dr. Dre, P.I.M.P. de 50 Cent ou encore la célèbre apostrophe d’Ice-T, selon qui « tout homme digne de ce nom se doit de posséder trois femmes : son épouse, sa maîtresse et sa pute ».
Depuis toujours, il existe pourtant un pendant à cette tendance. Soit toute une flopée de rappeuses prêtes à défendre des valeurs féministes au cœur de textes qui n’ont rien à envier à ceux prônés par les Riot Girrrl il y a plus de vingt ans – Tomboy de Princess Nokia, par exemple.
Éviter les clichés. Après tout, stigmatiser le rap comme un genre sexiste, c’est oublier un peu vite que des groupes comme les Rolling Stones ne sont pas connus pour avoir pris soin de leurs groupies ou qu’un chanteur aussi populaire que Johnny Hallyday a osé, respectueux qu’il était, chanter que « la femme n’est qu’une chienne »… Bref, c’est oublier aussi la dimension fictionnelle du hip-hop (ne parle-t-on pas régulièrement de rap game ?), celle qui permet aux MC’s de se mettre en scène à travers un alter ego.
Surtout, c’est oublier l’existence de rappeuses telles que Missy Elliott, Lil Kim ou Queen Latifah depuis les années 1990, ou encore l’émergence ces dernières années de figures féminines fortes (Little Simz, Young M.A., SZA, Syd, etc.) qui refusent d’être la poupée d’un quelconque manager aux dents longues et tiennent aisément la concurrence avec leurs homologues masculins.
Le rôle des hommes. Les hommes aussi montent parfois au créneau pour défendre la cause féminine – pensons ici aux nombreux morceaux dédiés par les rappeurs à leur mère célibataire (Dear Mama de 2Pac, Hey Mama de Kanye West, Une femme seule d’IAM). Mais il y a mieux. Comme cette déclaration d’amour des Beastie Boys sur Sure Shot : « Je veux dire quelque chose que j’aurais dû dire depuis longtemps/Il faut en finir avec le manque de respect envers les femmes/À toutes les mères, les sœurs, les épouses et les amies/Je veux offrir mon amour et mon respect jusqu’au bout. »
Ou encore cette ode à la femme noire clamée par Mos Def et Talib Kweli sur Brown Skin Lady : « Sans maquillage tu es belle/À quoi sert de te peindre le visage/On ne parle pas de standards européens de beauté ce soir/Éteins la télé et pose ton magazine/Dis-moi ce que tu vois dans le miroir/Et regarde la preuve d’une présence divine. »
En quête d’égalité. Si la parité hommes/femmes est encore loin d’être respectée dans le hip-hop (mais l’est-elle réellement ailleurs ?), on note donc que des rappeuses, temporairement ou non, ont toujours réussi à se distinguer et à élargir le spectre du rap. Certes, la France a encore un train de retard sur l’Angleterre ou les États-Unis. Certes, aucune rappeuse hexagonale n’a connu un réel succès populaire depuis Diam’s, mais qui oserait, au sein de l’industrie ou ailleurs, remettre en cause les qualités d’écriture et d’interprétation d’une artiste telle que Casey ? Réponse : personne ! Pourquoi ? Parce que le talent reste encore le meilleur moyen de marginaliser l’opposition entre rappeurs et rappeuses.