La note de la semaine : « Trône » de Booba

  • Chaque vendredi, Jack chronique l'album de la semaine. En bien ou en mal, avec humour ou non, peu importe : l'important est de savoir sur quel disque on peut compter. Ou pas. Aujourd'hui, on a voulu savoir si on pouvait s'asseoir dans le "Trône" de Booba.

    Les morceaux. « Trône » ressemble à l’idée que l’on peut se faire d’un album de Booba. À l’image de « D.U.C » et « Nero Nemesis », ses deux dernières sorties, les quinze nouveaux morceaux présents ici rêvent presque essentiellement d’une même finalité : sous fond d’autotune, Drapeau Noir, Bouyon ou Magnifique n’ont en effet d’autre but que de soigner l’égo de B2O, rappeler à tout le monde qu’il est toujours le patron du rap français et qu’il est loin d’être rassasié. « Vénus de Milo, anus de J.Lo, je veux tout », rappe-t-il sur Friday.

    Dès lors, deux avis se distinguent. On peut, par exemple, se réjouir d’entendre le bonhomme étaler ses talents de rappeur, son sens de la punchline qui fait systématiquement son petit effet. On peut aussi y voir un simple exercice de style, une succession de petits délires qui, s’ils peuvent lasser, n’empêchent pas pour autant ce neuvième album de fasciner par sa cohérence et sa maîtrise.

    La pochette : Avec un nom d’album pareil, Booba se devait de jouer la carte médiévale à fond. Si les premières pochettes laissaient présager une mauvaise parodie de Game Of Thrones, celle-ci fascine au contraire par sa sobriété. Bon, le Boulonnais en profite bien sûr pour s’afficher avec une couronne sur la tête, mais il a le mérite de ne pas en faire trop. Sur « Trône », seuls trois morceaux font d’ailleurs référence à l’univers de cape et d’épée : la chanson-titre, Drapeau Noir et Centurion, qui ouvre l’album avec la démesure qui convient.

    « Ils ne veulent pas nous voir ici, non/ J’suis ce nègre au fond du wagon/J’suis un cœur tombé du camion/Le sourire au bout du canon. »

    Le plus : De la part d’un MC salué de toute part et porté aux nues à chacune de ses sorties, on aurait pu craindre une certaine complaisance, une absence de remise en question. Intelligemment, Booba évite le piège. Certes, « Trône » ne semble pas annoncer de nouvelles pistes à suivre pour le rap français, comme ce fût le cas sur les précédents disques, mais ce bon vieux B2O prouve qu’il est plus que jamais en phase avec son époque. Celle qui ne rêve à priori que de gamos, de tchoins dénudées et de grosses liasses de billets verts, mais qui, derrière cet apparat, masque un évident spleen et une certaine noirceur, narrée avec un phrasé inimitable et à grand renfort de métaphores sauvages, d’allitérations aussi dérisoires que féroces et de mots sincères, qui visent souvent juste : « Ils ne veulent pas nous voir ici, non/ J’suis ce nègre au fond du wagon/J’suis un cœur tombé du camion/Le sourire au bout du canon. »

    Le moins : Ça aurait pu être le single imparable de l’album (ça le sera peut-être, d’ailleurs), mais Ça va aller, aux côtés de Niska et Sidiki Diabaté, dénote carrément au sein de « Trône ». On sent bien que Booba a souhaité renouer ici avec les rythmiques et les percussions typiques du Sénégal et de l’Afrique noire, mais dans le genre, on lui préfèrera nettement D.K.R, À la folie ou même Ridin’ (« Tu veux voir ce que c’est Africa, t’as juste à me sucer la queue »), où le Duc laisse transparaître une certaine mélancolie vis-à-vis de son pays d’origine et rend ainsi un vibrant hommage au continent africain.

    Sur 113, Damso met une nouvelle fois la concurrence à terre

    Notre avis : Jusqu’ici, Booba ne revenait que pour ajouter une perle à discographie, n’en déplaise à ceux qui regrettent encore le temps où le MC du 92i  rappait sur des beats d’Animalsons ou de Fred Dudouet. Si « Trône » n’est pas du même calibre que « Futur » ou « Panthéon », il possède suffisamment de morceaux forts pour s’imposer dans le temps. Surtout, il rappelle deux choses essentielles : son intelligence à savoir bien s’entourer (sur 113, Damso met une nouvelle fois la concurrence à terre) et sa capacité à dévoiler une certaine sensibilité par instant. Comme sur Petite Fille, où Booba, à la manière de Renaud sur Mistral Gagnant, révèle son versant le plus touchant : « À m’asseoir sur un banc/En tenant dans ma main tes petits doigts de femme/Tu me laisses croire que Dieu est grand/Je ne tomberai pour toi plus jamais pour des kilogrammes. »

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