Le jour où Michael Jackson a complètement foiré son dernier album studio

Ça aurait dû être l'un des premiers grands albums du 21e siècle, ce fut une somme de déception. Il y a 22 ans, le roi de la pop se disait « Invincible », mais finira avec cet ultime disque invisible. Anatomie d'un échec à l'occasion du deuxième épisode de notre série « Erreur de parcours », dédiée aux tâches discographiques de vos artistes préférés.
  •  « Vous pouvez toujours essayer de m'arrêter, je suis incassable ! ». Pour son grand retour, six ans après « HIStory », 50% compilation 50% nouvel album, Michael Jackson ne masque rien de son état d'esprit : dès les premières mesures, il s'agit de se présenter en conquérant (Unbreakable), prêt à rappeler au monde qui est réellement le King Of Pop.

    Pour cela, l'Américain a visiblement pensé à tout. Du moins, le croit-il. Tandis que Teddy Riley, Babyface, et surtout Rodney Jerkins, (compositeur et producteur pour Whitney Houston, Jennifer Lopez, Spice Girls, etc.) ont été conviés à la production, le crooner alors intouchable R'Kelly est à l'écriture d'un morceau (Cry) et Santana s'est vu réserver un espace d'expression (Whatever Happens) afin de réaliser l'un de ces solos de guitare dont il a le secret.

    Sur le plan musical, c'est tout aussi ambitieux, voire même parfaitement calibré : « Invincible » est non seulement porté par un tube au groove tout rond (le très efficace You Rock My World, qui rappelle en quelque sorte le travail réalisé autrefois aux côtés de Quincy Jones), mais l’album remplit également son cahier des charges, alternant les ballades spleenesques sur fond de gospel (Heaven Can Wait, Butterflies, Speechless), les moments tire-larmes (le très beau The Lost Children, le pompeux, hommage à Lady Di) et les morceaux électro-funk (Heartbreaker, Invincible, 2000 Watts).

    Sur le fond, rien n'est catastrophique. Il y a même fort à parier que si un jeune premier débarquait avec un tel disque, l'enthousiasme serait impossible à canaliser. Le problème, c'est qu'il s'agit ici de Michael Jackson et que l'histoire d'« Invincible » aurait pu à l'évidence s'écrire autrement.

    Avec le temps, on a effectivement fini par apprendre que Bambi avait refusé de travailler avec les Neptunes, pourtant ultra fans de l'artiste, laissant de côté les différentes productions proposées ici : celles-là même que Justin Timberlake choisit de s'approprier pour « Justified », sorti un an plus tard (le 4 novembre 2002), contribuant illico à faire tanguer l'industrie de la musique avec ses mélodies synthétiques, sexy et sophistiquées dans le même beat, qui refusent de choisir entre R&B, hip-hop et funk. 

    Clairement, Michael Jackson a raté le coche, et cela s'entend illico à l'écoute de Threatened, ou Invincible, tous ces titres qui tentent vainement de reproduire la magie de They Don't Care About Us (soit un beat musclé, puissant, totalement moderne), sans jamais y parvenir. De là à regretter que cet album soit vraiment sorti ?

    Il serait en effet injuste de se concentrer uniquement sur les erreurs, les points de déception, voire même sur ce qu'aurait dû être « Invincible » avec tout l'argent et le temps investis dedans : on parle ici d'un album étiré sur quatre ans et doté d'un budget faramineux (30 millions de dollars), injecté dans l'enregistrement d'une cinquantaine de morceaux. Mais il serait évidemment tout aussi injuste de se montrer plus tendre maintenant que l’on sait qu’il s’agit là du dernier album studio de Michael Jackson.

    La vérité, c’est tout simplement celle-ci : porté par des mélodies parfois captivantes mais hélas tristement prévisibles, « Invincible » est un objet nettement moins intéressant que les grands disques de son auteur (« Thriller », par exemple, qui fait actuellement l'objet d'un documentaire). Sans doute aussi moins fort émotionnellement. En somme, un passage raté à la postérité, d'autant plus quand on sait que le premier enregistrement de Jackson, réalisé à l'âge de 9 ans, remonte enfin à la surface 56 ans après.

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