2023 M11 17
Aussi populaires soient-ils, les deux premiers albums d’Eddy de Pretto donnaient parfois l’impression d’être trop calibrés, trop réfléchis, comme si la réception enthousiaste de Fête de trop, Kid ou Bateaux-mouches avait conditionné le reste des sessions studios. Le buzz était là, il fallait enchaîner, jouer à fond la carte du chanteur lettré, qui a des choses à dire, sur lui et sur le monde. Quitte à parfois frôler l’overdose : sur « Cure » et « À tous les bâtards », tout était finalement très sérieux, très dense, peut-être même un poil trop personnel.
Deux ans après ce deuxième album, le Français délaisse ce trop-plein de réflexion et de sérieux pour être davantage dans la physicalité, l’énergie, le rapport au corps. Même R+V, pourtant vendu comme un hommage à Rimbaud et Verlaine, est accompagné d’un clip entièrement chorégraphié, davantage porté sur la performance que sur la recherche de la phrase ultime.
Pour donner vie à cette ambition, Eddy de Pretto s’est exilé à Los Angeles, là où tant de musiciens viennent chercher l’inspiration, quitte à parfois y perdre de nombreux points de vie (Elvis, 2Pac, Jim Morrison). C’est là, sous le soleil de la cité des Anges, que le jeune trentenaire a trouvé cette fameuse « vibe » recherchée, cette positivité qui parcours de bout en bout « Crash Cœur » malgré l’évocation de peines amoureuses, de pensées torturées et de tout un tas de drames qui compliquent souvent la prise de recul.
Placé en conclusion, heureux :)))) vient en quelque sorte synthétiser cette idée, cette recherche de bien-être qu’il met en son via de nouvelles influences : Frank Ocean, Elton John, Timbaland et les Neptunes, à qui on ne peut s’empêcher de penser à l’écoute de pApA $ucre, clairement inspiré par le I’m A Slave 4 U offert par le duo virginien à Britney Spears au début des années 2000.
La force d’Eddy de Pretto, c’est aussi de toujours savoir capter l’oreille à l’aide d’une rime ou d’un refrain accrocheur (exception faite de Crash Test, trop frontal, trop musclé...), d’un texte où les confessions sont écrites en émojis ou en langage Internet (CRASH <3, heureux :)))), R+V), d’un beat ou d’un groove qui pousse quiconque à entamer d’étonnants pas de danse - essayez de résister à être biennn, vous verrez !
Tout cela vient nuancer une interprétation lyrique, cette quête assez vaine du mot authentique, sans pour autant parvenir à totalement à masquer le côté mosaïque de « Crash cœur ». On tient pour preuve ces morceaux qui cochent des cases, ces collaborations vouées à être clipées (eau de vie avec Juliette Armanet, à la limite du sexuel), ces producteurs côtés au sein de la pop française (Sacha Rudy, Marlon B) et ces singles pensés pour aller tout rafler aux prochaines Victoires de la musique. Mention spéciale à Love’n’Tendresse, dont la frontalité explosive, doublée d’une rythmique R&B, cristalise l'ambition d'Eddy de Pretto : favoriser le lâcher-prise, privilégier la spontanéité d'une émotion et la sincérité d'un cœur décidément très sensible.