De Juliette Armanet à Charlotte Gainsbourg, Bastien D est dans tous les bons coups

Ingénieur du son, patron de label, directeur musical de tournée et producteur pour le gratin de la pop française : Bastien Doremus est tout cela à la fois. Il est surtout cet insatiable touche-à-tout déterminé à délaisser l'ombre des studios pour enfin dévoiler son premier projet solo. Une sorte de boom-bap éduqué à la discographie de DJ Shadow et Portishead sur lequel devraient figurer bon nombre de ses proches collaborateurs.
  • Peut-on discerner, dans l'enfance d'un artiste, le germe de ce qui fera sa musique, ses obsessions ? Les Daft Punk rêvaient-ils déjà de se réincarner en robots ? Voyager chaque soir dans son lit en s'imaginant conquérir la lune prédispose-t-il à composer un album nommé « Dark Side Of The Moon » ? Prince avait-il des doudous violets ? Probablement que non. D'ailleurs, il parait impossible d'imaginer qu'un petit gars de Paris, élevé aux disques de DJ Shadow, MF Doom, Portishead ou J Dilla, puisse devenir quelques années plus tard l'homme de confiance de la pop française.

    C'est pourtant là le destin que semble s'être choisi Bastien Doremus, ce compositeur, arrangeur et producteur qui, petit à petit, s'est construit un joli C.V, aussi épais que prestigieux : Flavien Berger, Myd, Christine & The Queens, Selah Sue, Silly Boy Blue ou encore Charlotte Gainsbourg et Juliette Armanet, pour qui il est également directeur musical des différentes tournées. 

    Avant de prendre soin des autres, Bastien Doremus a d'abord mené sa petite vie en front de scène. C'était au début des années 2010, c'était avec Toys et c'était une façon pour lui et son acolyte de toujours (Paul Prier) d'envisager une musique qui devait autant aux Pink Floyd et à ESG qu'à Mount Kimbie et Kevin Saunderson. Depuis, le Parisien n'a jamais réellement cessé de composer. Il a juste pris goût à la production : d'abord au sein du studio Ferber où il assure les premières sessions en studio de Julien Granel (entre autres), puis au sein de son propre laboratoire, les Studios D, qu'il ouvre dans la foulée de la création de Chien Bleu, son label. Première sortie ? « May 20th », l'étonnant premier album de Victor Le Masne, ex-membre de Housse de Racket.

    Si Bastien Doremus a ses entrées partout, c'est aussi parce qu'il s'agit d'un passionné. Un vrai. Du genre à pouvoir parler pendant des heures de la perfection du son sur le dernier album de Kelela comme de la manière dont il a commencé à sampler ou dont il peut, parfois, s'éclater à composer pendant des dizaines d'heures d'affilée. Comme ça, juste pour le plaisir du geste créatif et des sessions entre potes, le Parisien étant souvent en studio avec Jérémy Butuille (PPJ) et Babe, ce songwriter écossais anciennement actif au sein de Frànçois & The Atlas Mountains.

    À l'heure de penser pour la première fois à son projet solo, il est donc logique que Bastien D (puisque tel est son surnom) ait décidé de solliciter ses proches collaborateurs. À commencer par Zadi (Quasi Qui), avec qui il vient d'enregistrer Don't Be Rude, un single qui accepte volontiers l'héritage de la UK Garage des années 1990 tout en revendiquant la culture du sampling (ici, un titre soul daté d'il y a plus de 20 ans) et le côté fédérateur d'une structure mélodique finalement pop.

    Pour ce projet, que ce touche-à-tout compte distiller petit à petit, à l'image des pochettes de ses singles qu'il souhaitait modulables, évolutives en fonction des invités et clairement inspirées par les comics américains, voire même par l'univers esthétique du label Rawkus. On en revient alors à ses racines musicales, à tous ces disques qui ont marqué ses jeunes années, et c'est une excellente nouvelle : aujourd'hui, Bastien D dit avoir envie d'assumer ses idées cheloues, d'accepter l'expérimentation et de revendiquer plus clairement encore son goût pour le trip-hop et le hip-hop. À croire que l'on faisait fausse route : les signes dissimulés pendant l'enfance peuvent parfois se développer et constituer les germes d'une vie passionnante à observer.