Derrière Charlotte Gainsbourg, Chris ou Woodkid, il y a Paul Prier

Plutôt dans l’ombre, que ce soit sur scène avec Charlotte Gainsbourg et Woodkid ou en studio aux côtés de Myd ou Alexia Gredy, ce Français de 37 ans vient de sortir un premier EP en solo intitulé « Punctual Problems » qui jongle avec finesse entre pop moderne et ode à ses héros.
  • Ils et elles sont d’abord au service des autres. Soit dans les coulisses, ou alors au second plan, loin des projecteurs. Et puis à un moment, ils passent de l’autre côté et se mettent au sens propre sur le devant de la scène. Ce bond en avant, Paul Prier l’avait déjà fait quand il était dans le groupe électronique Toys au début des années 2010.

    Mais le pianiste, qui est cité comme un homme de scène clé pour Charlotte Gainsbourg, Christine and the Queens ou encore Woodkid, passe pour la première fois en mode solo à 37 ans sur « Punctual Problems », un premier EP qui regarde la French touch dans les yeux, qui caresse le jazz cosmique et s’autorise aussi, avec le titre Hode, des escapades musicales instrumentales et ultra raffinées qui titillent les géants du minimalisme comme Philip Glass, Terry Riley ou encore Steve Reich. Des grands écarts, certes, mais maîtrisés.

    Au départ, Paul s’imagine plutôt pianiste, dans le classique ou dans le jazz, comme il l’explique à Numéro lors d’une interview. Mais « j’ai constaté que je n’étais même pas à 1% du niveau nécessaire pour mettre un pied dans ce milieu. Je me suis retrouvé face à des gamins de dix ans de moins qui jouait cent fois mieux », raconte le Français.

    Pas grave, Chopin, Glenn Gould et Herbie Hancock resteront des idoles. Paul passe d’abord par la case Conservatoire avant de bifurquer vers l’American School of modern music, une école de jazz située à Paris. Cinq années à découvrir un style, à apprendre une manière de jouer et à explorer les discographies des maîtres, allant de Miles Davis à Bill Evans en passant par Thelonious Monk ou Keith Jarrett. Mais comme après le conservatoire, Paul n’arrive pas à se voir jazzman. L’esprit de compétition qui peut régner dans ces milieux l’empêche d’accéder à ces rêves-là. Il en créera d’autres.

    En 2010, à 24 ans, le musicien se lance avec Bastien Doremus dans Toys, un duo autant influencé par les Floyd que ESG ou Mount Kimbie. Deux EP plus tard, en 2012 et 2015, le groupe reçoit un coup de fil de Christine and the Queens qui embarque les deux gars avec elle en tournée. Moins d’un an plus tard, Paul est sur la scène de Coachella. 

    Après de cette première expérience en tournée, considérée comme « folle » par Paul —  vu la rapidité avec laquelle le succès est arrivé pour Christine and the Queens, le pianiste poursuit ses collaborations, avec Woodkid et surtout avec Charlotte Gainsbourg avec laquelle il enchaîne plus de 100 concerts un peu partout dans le monde. Il en parle comme d’une expérience exceptionnelle, hyper enrichissante mais épuisante. « J’ai profité de chaque moment de libres entre deux dates pour travailler sur ma musique, en me rappelant quotidiennement que j’avais choisi de faire ce métier avec la volonté de créer, de composer, de produire… », raconte Paul au disquaire parisien Balades Sonores.

    Comme David Numwami — qui a aussi été sur scène avec Charlotte Gainsbourg — ou Ed Mount — lui aussi fan de jazz, musicien de scène pour Malik Djoudi — avant lui, Paul Prier se lance enfin en solo en 2022 en sortant son premier single, Hard To Be Myself When I’m With U, qui est aussi le titre d’ouverture de « Punctual Problems », son premier EP sorti le 24 mars sur le label Recherche et Développement (Miel de Montagne, Jacques). 

    Avec une pochette minimaliste — qui aurait pu être créée par Hipgnosis — et des chansons pop qui traversent les époques, « Punctual Problems » est l’EP surprise de ce début d’année.

    Un disque sur lequel on retrouve des sonorités aérées et réconfortantes (vocodeur, 808, synthés vintage), ancrées dans un temps qui n’existe plus mais aussi tournées vers le futur, voire vers une autre planète. Ce qui frappe avec les chansons de cet EP, c’est la subtilité des mélodies et la manière dont elles s’imbriquent entres elles pour trouver le bon équilibre, comme si elles se répondaient au lieu d’entrer en conflit. Le disque est aussi un hommage aux influences de Paul. Il baigne dans un océan musical où le jazz cosmique (Hancock, Stevie Wonder, etc.) nage aux côtés de la French touch (Air, Daft Punk). La pop de Paul prend subrepticement des formes variées (rock, library music, musique minimaliste, funk) mais reste accessible, loin des théories et des manuels scolaires. Ce n’est pas une musique de puriste, mais la musique d’un musicien qui a digéré ses influences et qui a pris le temps de faire un travail d’épuration pour rendre les compositions digestes et allégées. 

    Avec « Punctual Problems », Paul Prier brouille aussi les pistes. Est-il un musicien arrangeur à classer dans la case illustration sonore ? Le digne héritier de Air et Sebastien Tellier ? Un amoureux de jazz seventies ? Un peu de tout ça. Et beaucoup plus encore. 

    Paul Prier joue à Paris au Point Éphémère le 20 avril.

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