Ed Mount : "Je ne cherche pas à être moderne à tout prix"

Le musicien français sort « Close To Your Heart », un premier album soigné qui oscille entre Air et les seventies. Pour la peine, on a décroché le téléphone. Allo, Ed ?
  • En 2021, les bons albums de pop française se comptaient sur les doigts d’une main (et « Troie » de Malik Djoudi est sur la première marche de ce podium). Mais Thibault Chevaillier, alias Ed Mount, est là pour inverser la tendance, et montrer que ce style musical fourre-tout a des arguments pour rivaliser avec d’autres genres plus en vogue en ce moment.

    À la base, Thibault découvre la guitare (et le skate) grâce à son voisin. Il a 12 ans, reprend maladroitement les Red Hot dans sa chambre et finit par prendre des cours de guitare qui l’amènent vers le jazz. C’est une partition de Charlie Parker qui sonnera cette révolution. De son propre aveu, il « pète un câble » et se lance dans l’apprentissage du jazz, exigeant et formateur. Une passion qui le poussera à devenir professeur de guitare à son tour. Il y a environ 5 ans, Thibault lance Ed Mount. Et après plusieurs EPs, 2022 marque l’année du premier album. Il s’appelle « Close To My Heart » et c’est un disque pop dans le bon sens du terme : mélodique, raffiné et adroit.

    Quand as-tu commencé à bosser sur ce premier album ?

    Ed Mount : J'ai commencé l'album mais il y a eu le confinement et je me suis retrouvé seul à faire un EP de reprises. Cette pause, et le fait de chanter d'autres chansons, ça m'a fait du bien. Je me suis replongé dans mon album après. Quand tu fais un disque, t'as la tête dans le guidon. Perso, je n'écoute pas d'autres musiques et je suis dans un couloir. Cette pause, elle m'a permis de redécouvrir l'album et de faire le tri dans ce que je voulais garder. La couleur de l’album, je l’avais déjà en tête. Les EPs avant ce disque étaient plus début 80's dans la production. Là, je suis allé un peu plus en arrière dans les années 70 avec des basses batteries jouées. Je le situe entre 1975 et 1979. 

    Ce sont justement les influences qu'on entend : Herbie Hancock période « Sextant » et « Sunlight », le Stevie Wonder de « Innervisions ». Qu'est-ce qui t'attire vers cette période-là ?

    À cette époque, ces musiciens comme Herbie Hancock ou Stevie Wonder découvrent les synthés et ça devient nouveau pour eux. Ce sont des nouveaux sons, et ils s'amusaient avec pour créer. Je pense que dans Ed Mount, il y a ces influences-là, cet aspect ludique, mais avec un côté un peu borderline qui frôle avec le mauvais goût. J'essaie de garder un peu de classe tout en gardant un pied dans le mauvais goût.

    Comment tu mélanges tes influences des années 70 pour ancrer ce disque dans son époque ?

    Je ne sais pas. Je n'ai pas envie d'être moderne à tout prix. Les plus jeunes vont peut-être penser que c'est un disque de vieux avec des références de vieux. Peut-être. Et ce n'est pas parce que j’utilise une boîte à rythme 808 sur certains titres que ça rend l’album moderne. Surtout, je n’y pense pas : si tu veux vraiment être moderne, c'est le moment où tu ne le seras pas.

    Il y a aussi des chansons qui rappellent Air sur ce disque...

    « Moon Safari » fait partie de mes albums préférés. La fin du morceau Close to Your Heart, que j'ai écrit comme un slow italien, est un clin d’œil à ce disque et notamment à la chanson La Femme d'Argent. Air, ils ont su synthétiser un mélange d'audace et un sens pop raffiné très français.
    Aussi, je viens presque du même endroit : j’ai vécu à Sèvres en banlieue et eux à Versailles. Quand ils te disent qu'ils se faisaient chier là-bas et que le seul truc à faire, c'était de la musique, je les comprends. Je me sentais proche d'eux pour cette raison. Quand je faisais écouter Air à mes potes à l'époque, ils me disaient que c'était de la musique d'ascenseur. Mais moi, j'aimais le jazz et Air, je ne voyais pas de différence entre les deux. 

    Tu as cette envie-là de tendre vers un son comme eux, raffiné et élégant ? D'aller vers cette exigence ?

    Oui clairement. Je suis perfectionniste. C'est presque maladif mais je passe mon temps à essayer de désapprendre, même dans la pratique de mon instrument. Ça fait 20 ans que je joue de la guitare, j'essaie de désapprendre la façon dont je joue parce que sinon tu finis par faire toujours la même chose. 

    Cet album est un disque de pop. T'es à l'aise avec ce mot ?

    J'adore. Quand les gens me demandent ce que je fais je dis que je fais de la pop. Mais c'est quoi de la pop ? Pour moi, la pop ce sont des chansons que tu peux chanter. Des morceaux que tu retiens dès la première écoute.

    Comment tu joues avec le Vocoder dans ta musique ?

    Le Vocoder remplace une voix et amène une texture synthétique. C'est comme si c'était quelqu'un d'autre le Vocoder, c'est un avatar bizarre. Il apporte ce truc fascinant, mi-homme mi-machine. On a une base humaine et la machine reprend le dessus sur l’humain. 

    L'album « Close To My Heart » est dispo depuis le 4 mars 2022.

    Crédit photo : @Mathieu Teissier

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