2022 M10 7
Depuis de longs mois, les amoureux de la pop évoquent avec des trémolos dans la voix e potentiel de ce jeune duo au nom parfait. La raison ? Celui-ci est emprunté au film éponyme de Takeshi Katino, sorti en 1997, l’année de naissance d'Adrien Rozé et Clément Savoye. À l’écoute du premier album de Kids Return, il faut admettre que l’on comprend parfaitement l’affolement autour de ces deux Parisiens aux cerveaux bien fournis et aux bras longs : « Forever Melodies » a été finalisé aux côtés de Louis Bes, un ingénieur du son proche du studio Motorbass, et de Thomas Bangalter, venu filer quelques astuces de production.
Si refuser l’avis de l’ancien Daft Punk paraît aussi indécent que de dire non à un supplément parmesan sur du risotto, les deux Parisiens ont suffisamment d'idées pour ne pas être rattachés à une éventuelle figure tutélaire. À seulement 25 ans, Adrien et Clément ont tous les deux eu des groupes au collège (respectivement Jools et Teeers), ont écumé un tas de clubs et de salles depuis plus d'une décennie (à 13 ans, Clément donnait un concert au Bus Palladium) et ont même tenté une petite tournée en Californie, hélas plombée par le Covid. De ces multiples expériences demeure une conviction. Ou plutôt, est-ce une envie, née d'une grande passion pour Joe Hisaishi, François De Roubaix et Vladimir Cosma : enregistrer des bandes originales de films, qu’importe si ces derniers n’existent pas.
À l’image du travail opéré par Air sur Virgin Suicides, Kids Return s’intéresse d’ailleurs moins à la musique à l’image qu’à une émotion, à la composition d’une mélodie pop capable de charrier mille sentiments, mille visions. A titre d’exemple, Going Places et Melody invitent certes à dessiner des cœurs dans le ciel, mais le mieux est encore de rêver sur ces mélodies à la fougue juvénile, dont la béatitude et la générosité remplacent sans difficulté des séjours bien-être à 500 euros la journée.
Sur « Forever Melodies », le duo impressionne ainsi par la richesse, la fausse naïveté, mais aussi l'éclat d’une musique toujours accrocheuse, jamais virtuose et pourtant indéniablement flamboyante. Il y a du Phoenix (période Summer Days) dans cette exigence anglo-saxonne, du Foxygen dans cette quête de la mélodie ensoleillée (un titre se nomme même Lost In Los Angeles), des heures d’écoute des Beatles dans cette façon de fredonner des airs légers sous la mélancolie, du MGMT dans cette recherche permanente du refrain éternel, vierge de tout calcul opportuniste. « I feel like a virgin », chantent-ils d’ailleurs sur Orange Mountains, avec ce mélange d'insouciance et de suavité qui a longtemps caractérisé les groupes californiens.
C’est dire la pureté de cette pop référencée, produite dans la nature pyrénéenne et peaufinée loin des pollutions de la ville, comme pour donner à la voix d’Adrien et Clément espace et lumière. Au point de parler de « Forever Melodies » comme d’un chef-d’œuvre ? Peut-être pas. Cependant, les deux compères ont entre les mains un disque précieux qu’un rien peut rendre attachant, pour peu qu'on lui laisse le temps d'égayer notre quotidien.
Crédits photo : Elsa & Johanna.