L'histoire spectaculaire du premier disque de MGMT, 15 ans après

Dès leur premier album intitulé « Oracular Spectacular », sorti le 2 octobre 2007, Andrew VanWyngarden et Ben Goldwasser ont connu une ascension fulgurante. Et voici comment deux nerds qui aimaient bien les ordinateurs et les synthés ont conquis le monde avec des hymnes devenus intemporels.
  • En 2001, Ben a 19 ans. Andrew 18. Ils sont tous les deux étudiants à la Wesleyan University dans le Connecticut. Ils logent dans le même bâtiment à la fac et deviennent des amis. Logique: les deux partages les mêmes goûts musicaux (Flaming Lips, Royal Trux, Bowie, etc.), et ça suffit largément à cet age-là pour tisser des liens forts.

    Lors des grandes vacances, Andrew invite Ben à venir passer quelques jours chez lui, à Memphis. Sur place, VanWyngarden retrouve son groupe du lycée, Accidental Mersh. La formation, qui s’amuse à faire des morceaux sur ordinateurs, a quelques concerts de prévus. Ben se joint à l’aventure aux claviers. Les deux ne le savent pas encore, mais ils s’apprêtent à former le duo le plus prisé de la pop. Pour le moment, ils ne sont encore que deux étudiants un peu geek sur les bords qui décident, pour leur premier concert lors d’une fête étudiante, de jouer le thème de Ghostbusters en mode repeat durant 45 minutes. Quand ils ont un peu de temps, le duo enregistre sur leur ordinateur (sur Logic ou Reason) leurs premiers bidouillages électroniques.

    Rapidement, The Management — le premier nom de scène choisi avant de devenir MGMT — organise des concerts un peu partout ils le peuvent sur le campus de la fac. Durant quatre années, le duo peaufine son style et écrit ses premiers tubes. En 2005, MGMT signe sur un tout jeune label, Cantora Records, qui s’est lancé la même année. Le groupe balance son premier EP intitulé comme l’une des chansons, « Time to Pretend » — qui d’ailleurs a le même rythme de batterie que le Dancing Queen d’ABBA. Sur ce disque, un autre tube est déjà là : Kids.

    En fait, tout est musicalement déjà là : les mélodies pop qu'on retient et qu'on a envie de chanter toute sa vie, les synthés Casio à deux francs six sous et une forme de liberté dans la création qui leur donne un certain charme. C'est encore de la bedroom pop mal enregistrée, mais les bases sont là (pour ceux qui veulent creuser, il y a aussi sur ce premier EP le morceau Destrokk, un hommage assumé et maladroit à Suicide et aux Stooges qui vaut quand même le détour).

    Il ne faudra pas longtemps à Columbia pour repérer MGMT, et miser gros sur eux. La label sort le chéquier, mais le duo ne veut pas céder et préfère, dans un premier temps, garder son indépendance. Le père de VanWyngarden donne un conseil précieux à son fils, comme l’explique le site Memphis : « Signe avec Columbia. Si c’est assez bien pour Bob Dylan, ça le sera aussi pour toi ». Andrew est un bon garçon : il écoute son père.

    Avec le soutien financier du label, MGMT s’offre David Fridmann à la production (Flaming Lips, Sparklehorse, Mercury Rev) et s’enferme avec lui dans son studio (Tarbox Studios) durant une vingtaine de jours. Avant ça, les Américains faisaient de la musique pour le fun. Pour expérimenter. Là, ils sont propulsés dans une autre dimension où il n’y a plus de place pour la rigolade. Et sur « Oracular Spectacular », MGMT fait plus que le job : le groupe distribue des tubes comme s’il en pleuvait en assumant une pop électrique et psychédélique taillée pour la radio sans perdre une forme d’authenticité et de naïveté. MGMT parvient à garder son minimalisme des débuts (pas d’harmonie ou de chansons trop complexes) et ses bidouillages synthétiques tout en s’affirmant comme un vrai groupe. Un groupe capable de créer une vague assez grande pour déferler sur la Terre entière - on parle de plus d'un million de ventes au total

    Sur ce disque, Andrew et Ben évoquent l’avenir. Ils fantasment beaucoup, notamment sur le fait de devenir des popstars et sur les risques de la célébrité (« Let’s make some music, make some money, find some models for wives »). Les trois tubes — Electric Feel, Kids et Time to Pretend — portent l’album. Mais d’autres moments sur ce disque méritent aussi de l’attention et des câlins : Weekend Wars et ses crépitements électroniques, Of Moons, Birds and Monsters et ses allures de jam psychés de l’espace et The Youth et son côté cotonneux. En gros, « Oracular Spectacular » est un disque qui s’écoute de la première note à la dernière. 

    À la base, MGMT voulait, mine de rien, se moquer de la pop, de manière sarcastique. C’est avec cette attitude qu’ils ont décroché un deal et qu’ils ont enregistré l’un des disques des années 2000’s. Comme quoi parfois, ne pas se prendre au sérieux peut parfois amener à un succès très sérieux. Et quinze ans après sa sortie, « Oracular Spectacular » reste toujours une énigme pour les comptables du rock.

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