Comment Discogs est devenue la plus grande discothèque du monde ?

  • Lancée aux débuts préhistoriques d'internet, la plateforme Discogs fête aujourd'hui ses dix-sept ans et continue de faire le bonheur de ceux qui croient toujours en l’objet. Mais comment le temple des diggers s'est-il transformé en multinationale de la musique ?

    Le bon coin. Nous sommes en 2000. DJ et programmateur à ses heures, Kevin Lewandowski n’en reste pas moins un mec lambda. Fan de musiques électroniques, il a tout naturellement créé un site amateur cataloguant ses disques préférés. Comme ça, juste histoire d’assouvir sa passion et de partager avec d’autres internautes ses quelque 250 vinyles, qu’il répertorie manuellement, souvent de nuit, selon leurs labels ou leur année de sortie. À l’occasion, l’Américain en vend également quelques-uns. Le premier, ce sera « This Is Trance » de SP-23.

    15 000 nouveaux fans tous les jours. Dix-sept ans plus tard, sa plateforme a tous les atours d’une multinationale. Nommée Discogs, elle est désormais pilotée par cinquante employés répartis entre Beaverton (Oregon) et Amsterdam. Surtout, elle n’en finit plus d’imposer sa philosophie et sa stature avec des chiffres qui redonnent foi en la pérennité du format album : huit millions de disques répertoriés (le site a passé la barre symbolique cette semaine), 326 000 contributeurs, trois millions d’utilisateurs, 15 000 nouveaux adeptes par semaine et, surtout, 400 000 commandes par mois. Soit 4,8 millions de ventes par an, pour un chiffre d’affaire qui avoisinerait les 100 millions de dollars en 2016.

    Un sanctuaire dédié à la musique. Pour tous les mélomanes assoiffés de nouveautés et les diggers de raretés ou d’imports, Discogs a donc tout du site d’où l’on ressort le porte-monnaie à sec et les bras chargés de vinyles introuvables ailleurs, comme ce « Space Oddity » de David Bowie vendu pour 6 826 dollars en mai dernier. Mais ce qui en fait sa singularité, c’est que l’on puisse également en ressortir sans avoir dépensé un sou, après avoir consulté des heures durant les notes, les crédits et les livrets de nos albums préférés. En clair, c’est un sanctuaire.

    Discogs représente 80% des ventes sur le marché mondial.

    Quelques points noirs. Mais cette hyper accessibilité et ce catalogue apte à faire jalouser les « wikipediens » ne suffisent pas à masquer quelques lacunes. Une esthétique douteuse, déjà. Un classement pas toujours hyper clair, aussi. Une spéculation qui entraine parfois des prix exorbitants, enfin. Et là, ça coince. Car, si la rareté a un prix, il est parfois difficile de se dire que le vinyle, dont Discogs représente 80% des ventes sur le marché mondial, puisse devenir un support réservé aux comptes en banque les mieux fournis. D’autant que ces ventes, souvent effectuées par des particuliers, ne profitent ni aux artistes, ni aux disquaires. Dès lors, comment justifier, par exemple, que ce « Untitled » d’Aphex Twin, vendu lors du festival Day For Night à Houston, soit disponible dès le lendemain sur Discogs pour environ 250 dollars ?

    Expansion et diversification. Quoi qu’il en soit, Discogs, qui souhaite construire « la base de données et la plateforme de vente la plus grande et la plus complète », compte bien continuer d’asseoir sa réputation. Début 2016, la société poursuivait ainsi sa diversification en lançant de nouvelles plateformes : Gearogs, Bibliogs, Comicogs et Filmogs, consacrées respectivement au matériel musical, aux livres, aux comics et aux films. On peut également citer VinylHub, dédié aux disquaires et aux manifestations vinyliques, à considérer comme la dernière étape dans la croissance de Discogs. Ou tout simplement comme la preuve que le disque n’a pas fini de tourner.

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