Troye Sivan peut-il devenir la nouvelle icône pop des ados ?

Entre son rôle dans « The Idol », son « Rush », véritable friandise pop et potentiel tube de l’été dernier, sa récente reprise de Billie Eilish ou ses clips où il apparaît à poil, Troye Sivan fait tout pour que l’on parle de lui. Mieux, il fait tout pour participer à l’ouverture libératrice de la pop après des décennies de placard. Au point d’être cette icône capable de squatter les chambres d’adolescents du monde entier ? La sortie le 13 octobre de son troisième album, « Something to Give Each Other », sera déterminante.
  • Dans The Idol, Xander est ce personnage en retrait, visiblement bien plus doué que la moyenne, mais déterminé à mettre son savoir-faire pop au service d'une artiste promise aux plus grands exploits, à cette fameuse idole, Jocelyn, dont il est le directeur artistique et pour qu'il il semble pendant un temps prêt à s'oublier. Dans la vraie vie, l'interprète de ce personnage paraît nettement plus attiré par la lumière, obnubilé par les spotlights de l'entertainment mondial. 

    En clair, Troye Sivan est un enfant star. Depuis l'Australie, où sa famille s'est installée dans l'idée de fuir la criminalité sud-africaine, il enchaîne les apparitions télévisées, publie un premier EP en 2008 (Dare To Dream, à seulement 13 ans), donne de la voix lors d'événements de charité, lance une chaîne YouTube qui rassemblait plus de 7 millions d'abonnés et met un pied dans le cinéma (X-Mens Origines : Wolverine, Spud ou encore Boy Erased, où il joue aux côtés de Nicole Kidman, Russell Crowe et Xavier Dolan).

    Au-delà de ce déroulé expéditif de son histoire personnelle façon Wikipédia, c'est surtout l'être humain qui retient l'attention. Troye Sivan est de ceux qui maîtrisent leur œuvre, leur parcours. À seulement 18 ans, alors qu'il vient de signer chez EMI Australie, il publie sur YouTube Coming Out, une vidéo de 8 minutes où il explique au monde entier ce qu'il avait déjà confié à sa famille trois ans plus tôt. Pour Numéro, il précise : 

    « Être gay procure un avantage indéniable, vous échappez à la pression que peuvent subir les hétérosexuels. Vous n’avez pas à suivre un programme prédéfini : vous poser, avoir des enfants... Vous le pouvez si vous le souhaitez, mais vous avez aussi la possibilité d’imaginer votre propre chemin. »

    La vérité, c'est que Troye Sivan n'a jamais cessé de parler de son intimité au fil de ses morceaux. Écouter ses chansons, c'est un peu parcourir les différentes étapes de sa vie. Ça paraît cliché de le dire, mais les faits sont là : « Je m'ouvre, juste pour toi », chante-t-il sur Bloom (un titre décrivant le sexe entre deux hommes), tandis que Seventeen évoque un rendez-vous avec un homme d’une trentaine d’années sur Grindr et que l'EP Blue Neighbourhood narre dès 2015 la perte de sa virginité.

    Si ce qui constitue notre intimité est précisément ce dont on peut avoir honte, Troye Sivan en fait une force, le moteur des liens qu'il parvient à tisser avec son public. Chez lui, tout n'est qu'émancipation et affirmation de soi - autant de pulsions libératoires apprises dans les disques de Lady Gaga, Amy Winehouse ou Robyn. À l'instar des deux premières, Troye Sivan veut d'ailleurs être une icône. C'est décidé. Il ne peut en être autrement.

    De là à suspecter le jeune homme de calculer chaque pas, chaque partenariat (il a été un temps ambassadeur de la maison Cartier), chaque collaboration ? Difficile à dire, même si Troye Sivan fait tout pour atteindre son objectif, aussi ambitieux soit-il. Depuis son vingtième anniversaire, en 2015, on l'a vu publier des titres accumulant des centaines de millions de streams (Youth, My My My!, I am So Tired), placer un album à la quatrième place des meilleures ventes aux États-Unis (« Bloom », 2018), ou encore collaborer avec Taylor Swift, Charli XCX ou Ariana Grande.

    Proche des plus grandes popstars que l’époque a en réserve, Troye Sivan prouve qu’il n’est pas seulement aussi inventif qu’elles : il est également plus audacieux, osant dans ses clips ce que de telles artistes (hyper scrutées) n’auraient jamais tenté. À l'image du clip de Rush publié l'été dernier : une vidéo d'à peine quatre minutes, tournée dans un squat berlinois façon Harmony Korine, où chaque scène suinte la fête, la drogue (« Rush » fait référence à une marque de poppers du même nom), l'hédonisme et le désir homosexuel.

    La séduction exercée par Troye Sivan tient ainsi autant au style qu’il déploie qu’aux évènements qu’il rapporte. Chez lui, rien n’est irréel ou fictionnel : contrairement à certaines de ses références (Lady Gaga, notamment), le jeune homme n’a pas envie d’incarner autre chose que lui-même, d’être le fantasme queer d’une génération avec laquelle il a pris l’habitude de dialoguer. Et dont il comprend les codes, les goûts : Got Me Started, par exemple, est construit autour d'un sample de Shooting Stars, ce tube de Bag Raiders publié à la fin des années 2000 et devenu viral à la fin de la décennie suivante. 

    Aux côtés de ses nouveaux acolytes, habitués comme lui au sommet des charts (tel Ian Kirkpatrick, producteur de Dua Lipa et Selena Gomez), Troye Sivan a visiblement compris une chose : la pop music est un show permanent qui se nourrit de sa propre histoire et où le rythme ne doit jamais retomber. Alors, devenir l'idole d'une nouvelle génération ? C'est tout le mal qu'on lui souhaite.

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