Connaissez-vous vraiment Sia, la popstar dont on ne sait presque rien ?

À 48 ans, l’Australienne est désormais une mégastar, dont chaque nouveau projet est attendu par des millions de gens. Seulement, que sait-on vraiment de cette artiste au visage régulièrement caché et qui a longtemps été tenue à l’écart des éloges médiatiques ? Dépression, ghostwriting et succès indé... voici quelques éléments de réponse à l'occasion de la sortie de son dernier single, « Gimme Love », premier extrait d'un nouvel album à paraître au printemps 2024.
  • Nous sommes en août 2005. Sia Furler, 29 ans, est inconnue, mais s’apprête à bouleverser des millions de téléspectateurs avec quelques boucles de piano. Son single Breathe Me illustre alors les dernières images de l’épisode final de Six Feet Under. C'est un choc, un déluge d'émotions qui lui permettra d’écouler 1,2 million dudit single. Quatre ans plus tard, l’Australienne, qui a entre-temps quitté son label de toujours (Go ! Beat Records) pour investir le marché américain et européen, écrit et compose quatre chansons pour le sixième album studio de Christina Aguilera : « Bionic », vendu à plus d’un million d’exemplaires dans le monde.

    C’est précisément cette dualité, cette confrontation entre exigence musicale et ambition grand public, qui va faire craquer les icônes pop de la décennie 2000, qu’elle rencontre au gré des collaborations, et qui va rapidement la tenir éloignée de son ancrage indé initial. Car, si Sia Furler a joué les choristes pour Jamiroquai et Massive Attack, posé plusieurs fois sa voix sur des titres de Zero 7 et co-écrit une chanson avec Beck, c’est désormais avec Beyoncé, David Guetta (le relou She Wolf (Falling To Pieces) et le très lourd Titanium), Katy Perry, Shakira, Céline Dion, Eminem ou encore Rihanna (Diamonds, c’est elle !) qu’elle passe la majeure partie de son temps en studio.

    Il faut dire que le profil de Sia a de quoi séduire les maisons de disques, elle qui a la capacité de jongler entre des univers sonores très contrastés, s’affirmant comme l’une des compositrices les plus productives des années 2000-2010 : en plus de ses chansons pour Ne-Yo, Britney Spears, Flo Rida ou encore The Weeknd, Sia compose également très rapidement. Dans un article, le New York Times affirmait par exemple que le Titanium de Guetta et le Diamonds de Rihanna avaient été écrits respectivement en 40 et 14 minutes….

    Résumer Sia à sa simple musique ne serait pourtant pas lui rendre justice. Quand elle n’est pas occupée à composer, elle mène en effet la vie d’une femme hors normes (les séances de méditation chez Demi Moore, les couvertures du Billboard, toussa toussa), mais surtout détachée d’un monde dont elle ne connaît que trop bien le goût pour les catégories et les étiquettes figées. Après avoir exposé sa relation amoureuse avec JD Samson (musicienne de Le Tigre) et revendiqué fièrement sa bisexualité, Sia a ainsi profité des quelques interviews accordées çà et là pour passer à confesse.

    Dans une interview au New York Times, on découvrait ainsi une autre facette de sa personnalité, plus sombre, plus torturée : jamais vraiment remise du décès de son petit ami à la fin des années 1990 (auquel elle consacre son premier album, « Healing Is Difficult ») et dépendante à plusieurs drogues (notamment les analgésiques et l’alcool), Sia se voit dans l’obligation de suivre une psychothérapie. En 2010, elle envisage même de mettre fin à ses jours :

    « Quand vous êtes dans un endroit différent chaque jour, il y a cette espèce de folie qui s’installe. Il est alors facile de s’en sortir par la défonce, d’autant plus que la consommation d’alcool est courante dans ce milieu. Aucun de mes amis ne pensait d’ailleurs que j’étais une alcoolique, pas plus que moi en fait. »

    Devenue millionnaire et amie avec tout le gratin de la pop XXL (paraîtrait que David Guetta lui a créé son propre réfrigérateur), Sia semble avoir retrouvé dans la création un motif d’espoir. Signe d’un véritable rétablissement, l’Australienne accepte plus volontiers le jeu médiatique : en 2014, à l’occasion de la sortie de « 1000 Forms of Fear », on l’a ainsi vu écumer les plateaux américains et verser dans les performances démesurées au moment d’interpréter Chandelier et Elastic Heart, probablement ses deux plus grands tubes, respectivement vus plus de 2,6 milliards et 1,2 milliard de fois.

    Des chiffres qui donnent le tournis, tout comme le nombre de ses albums écoulés à travers le monde (plus de 30 millions), mais qui ne doivent pas faire oublier l’essentiel (le nombre d’années à œuvrer dans l’ombre et à se définir une identité musicale), ni inciter Sia à répéter une formule. Celle-ci, c'est indéniable, fonctionne et touche le grand public ; à l'écoute de son dernier single, Gimme Love, premier extrait d'un nouvel album à paraître début 2024, on se dit pourtant que c'est peut-être la première fois de sa carrière que l'Australienne donne l'impression de tourner en rond. A moins qu'il ne s'agisse d'une technique pour relancer cette carrière en forme de grande roue ?

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