Détail de l’histoire : Jean-Marie Le Pen a aussi été patron de label

  • Le cofondateur du Front National n’a pas fait que raconter des conneries, il en a aussi publié sur vinyle, de 1963 à 1998. Nom de sa petite entreprise discographique : SERP Records. Étonnant, n’est-ce pas ?

    Rond national. On le sait peu, mais le petit Jean-Marie Le Pen – comme sa fille – voulait être avocat. Mais l’Histoire ayant décidé d’en faire le cofondateur d’un parti d’extrême droite, il n’en sera rien. À la place, le jeune politicien, député à l’âge de 27 ans, fraichement revenu d’Alger (où il a notamment torturé) décide en 63 de se lancer dans l’édition phonographique en créant le SERP, pour Société d’études et de relations publiques. L’Histoire, justement, il en est beaucoup question sur ce label créé avec un paramilitaire de la Waffen-SS (Léon Gaultier, avec qui il fondera le FN en 1972), puisque le SERP a pour objectif de faire presser des galettes de musique militaire et de discours historiques. C’est là que ça se complique.

    Bootleg politique. Alors que les Beatles, Rolling Stones et Johnny font transpirer les filles, Le Pen s’est mis en tête de produire des vinyles, non pas par amour du disque, mais par passion de la propagande. Quelques mois plus tôt, le Breton est devenu le directeur de campagne de Jean-Louis Tixier-Vignancour (un Le Pen old school et bien vénère pour résumer). SERP Records doit alors servir à éduquer les masses avec des grands discours de l’Histoire, à écouter chez soi OKLM dans son fauteuil.

    On lui doit (et c’est pas un cadeau) des disques de marches militaires, mais surtout les discours audio de dictateurs comme Lénine, Mussolini et Hitler. À noter que le premier disque de la série fut, autre détail de l’histoire, un disque « live » relatant le procès Bastien-Thiry (du nom de celui qui voulut assassiner le général de Gaulle). Explication de Le Pen, dans une interview publiée sur son blog : « Il est interdit d’enregistrer dans les tribunaux, le procès avait donc été enregistré clandestinement par Me Le Coroller, qui était un des défenseurs. Nous avons fait du document sonore avec beaucoup de scrupules. C’était un créneau que n’exploitaient pas les grandes sociétés discographiques, parce que ça ne leur rapportait pas assez. » Le Pen, premier bootlegger-digger de la cinquième république ?

    «  J’ai dû faire 120 disques en 20 ans. » (Jean-Marie Le Pen)

    Disque rayé. Comme on s’en doute, la suite des sorties de SERP Records n’a rien à voir avec une compilation de funk. Le Pen publiera des disques du Maréchal Pétain, un autre de Pierre Fresnay récitant les Poèmes de Fresnes de Robert Brasillach (un écrivain d’extrême droite) qui de l’aveu de Le Pen est encore aujourd’hui « celui qu’il trouve le plus émouvant », une « Anthologie de la musique militaire française » en quatre volumes et ce qui restera comme la provocation de trop, « Voix et chants de la révolution allemande – Le IIIè Reich », un vinyle où l’on trouve sur le dos de pochette un texte de présentation très positif du parti d’Hitler. Bilan : deux mois de prison avec sursis et 10 000 francs d’amende. La punition ne le calmera pas ; en 1980 Le Pen remet le couvert avec trois disques sur les Waffen SS, puis lentement ralentit la cadence jusqu’à un dernier maxi-single en 1998, chanté par une certaine Isabella. Le nom de l’objet qui ne fera (Dieu merci) pas date : « Fiers d’être Français », avec l’impression d’entendre la Compagnie Créole (un comble) embrigadée pour vanter les mérites du patron.

     

    Vingt ans après la mort de ce label aussi extrême que le parti, que retenir ? Pas grand chose, on préfèrerait tout oublier, y compris le fait que tous ces disques sont (hélas) encore dispos à la vente sur Discogs. La seule bonne nouvelle, c’est qu’on n’est pas sûr qu’il réactive sa branche discographique pour publier les discours de sa fille, ni ceux de Florian Philippot.

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