OK Boomer : Damon Albarn confie sa peur du "wokisme" dans une interview

Pas franchement connu pour avoir sa langue dans sa poche quand il échange avec des journalistes, le leader de Blur s'est distingué pendant l'été avec une sortie franchement surprenante quand on connaît ses opinions politiques. Et c'est dans la presse française que Damon Albarn s'est exprimé sur le terme qui déclenche automatiquement des débats enflammés entre générations.
  • Le passage en question se cache dans une interview donnée par Damon Albarn et Graham Coxon – séparément – au mensuel musical Rock & Folk, daté d’août 2023.

    Au moment où le journaliste Jérôme Soligny évoque ce qu’il perçoit comme une montée de la violence dans la société, avec "des meurtres, des cadavres cachés, des enseignants décapités, des enfants qui tuent leurs parents…", Damon Albarn choisit de répondre spontanément sur un tout autre sujet.

    Ce qui l’inquiète lui, c’est le "wokisme", et voici ce qu’il en dit :

    « Le wokisme risque également d’être un problème. Je suis évidemment davantage en faveur du progrès que contre, mais ce mouvement peut être dangereux, et il conviendrait de s’en apercevoir avant qu’il ne soit trop tard. Il accentue les différences, jette de l’huile sur le feu et agrandit le chasme. La victoire de Trump a reposé sur cet antagonisme, et on a vu le danger de près. »

    Profitons-en pour rappeler que le "wokisme" n’est pas une idéologie revendiquée par un courant comme on veut souvent le faire croire, mais une étiquette péjorative voire injurieuse utilisée "pour dénigrer des idées progressistes, souvent centrées sur la défense des droits de groupes minoritaires" (c’est Wikipédia qui le dit).

    Autrement dit, c’est un terme plutôt employé à la droite et à l’extrême-droite du spectre politique, alors que Damon Albarn est historiquement connu comme un artiste engagé à gauche – le Parti travailliste de Tony Blair a même tenté de le récupérer lorsqu’il était au sommet de sa gloire pendant la "Cool Britannia".

    Cette réponse de Damon Albarn rappelle aussi les propos tenus en 2021 par l’ancien ministre de l’Éducation nationale dans le journal Le Monde. Pourfendeur reconnu du "wokisme", Jean-Michel Blanquer affirmait lui aussi – sans étayer – "qu'aux Etats-Unis, cette idéologie a pu amener, par réaction, Donald Trump au pouvoir". L’occasion de rappeler – et c’est sans doute le plus choquant – que Damon Albarn et Jean-Michel Blanquer n’ont que quatre ans d’écart…

    Plus sérieusement, la suite de l’interview est encore plus confuse que le passage déjà cité, puisque Damon Albarn évoque en vrac "le Moyen-Age", "la chasse aux sorcières…", "l’inquisition digitale", "Tesla", "l’intelligence artificielle", et le fait que "tôt où tard, ça va merder grave", avant d’évoquer sa fille "qui s’y retrouve et n’est pas terrifiée par tout ça" et la Corée du Nord. Il conclue par une critique rigolarde de la fashion week de Paris, mais on doit avouer qu’on n’a pas tout compris.

    Ce n’est pas très grave, cette interview ne change rien au fait que le nouvel album de Blur est l’une des bonnes surprises de cette année. Et Damon Albarn a de toute façon déjà été traité de "Trumpiste" par Jack Antonoff et insulté de tous les noms – voire menacé – par les fans de Taylor Swift lorsqu’il a affirmé à tort qu’elle n’écrivait pas elle-même ses chansons.

    Autant dire que les sujets risqués ne lui font pas peur, et c’est aussi pour ça qu’on aime toujours lire ses interviews.

    Crédit photo : Bill Ebbesen

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