2017 M06 23
Savoir s’accepter. À la lecture des paroles de son nouvel album, on découvre des expressions poétiques, un phrasé court. Puissant. Les rimes d’une vie faite de transition, de sentiments refoulés et surtout, d’une remise en question permanente. Chose rare de la part d’une si jeune artiste en quête de soi. Certains y passent toute une vie. Elle, il lui aura fallu 23 années et quelques décisions bien tranchées pour, déjà, en arriver là : une maturité insensée qui lui permet d’accoucher d’un album profond, sincère. Et authentique.
Prémices. Dans la cour de son école, en Jamaïque, Denai se sent différente, sans trop pouvoir l’expliquer. C’est là bas qu’une de ses professeurs lui offre une guitare. « Le meilleur cadeau qu’on m’a offert » nous dit-elle. Après ça, direction Londres, ville qu’elle connaît déjà un peu, à l’âge de 10 ans. Son père, musicien studio, l’inscrit fissa à des cours de musique, les week-ends. La semaine, elle s’adonne à la guitare et pond ses premiers textes, dans sa chambre. « La première chanson que j’ai écrite s’appelait ‘Changes’, j’avais 12 ans et c’était à propos de quelqu’un qui décide de fuguer. Mais ce n’était pas à propos de moi ! À cette époque, je m’inspirais des films et des livres que je lisais, mais pas de ma vie personnelle. »
Les parents sont choqués de l’intensité des paroles. « Ils savaient que j’apprenais la guitare, mais ne savaient pas que j’écrivais des chansons », enchaine Denai, pull-over jaune et cheveux en bataille. D’une voix douce aux accentuations typiquement londoniennes, elle parle vite et bien. Ne bafouille presque jamais et sait pertinemment ce qu’elle a à dire. Une approche de la vie qu’elle applique aussi en musique : « Quand j’ai réalisé que j’avais tout dit et que je n’avais plus rien à ajouter, l’album était fini ».
La chanson à 3 millions. Sa première chanson postée en ligne, Blame, compte aujourd’hui plus de trois millions d’écoutes sur Spotify. Ca l’a fait marrer. Mais avant de trouver sa voie, Denai a mené le train de vie d’une adolescente ordinaire. D’Avril Lavigne, elle passe à Lauryn Hill. Des artistes affectionnés par son père comme Police ou Prince, elle se met au… grunge.
« Comme disait Lauryn Hill, ‘La vraie version de toi vaut plus qu’une fausse identité inventée’. »
Sa décision est prise : elle arrête après le bac, dit au revoir à l’université et enchaîne les open mic. « J’étais confiante parce que j’avais déjà pris la décision de devenir une musicienne. Je savais ce que je voulais faire et je faisais tout pour y arriver. C’est à ce moment que tout a vraiment changé ». La suite est une ascension fulgurante : premier EP, premier plateau de télé (en France à Taratata le jour de son anniversaire), premier album, première tournée. Sur scène, la jeune anglaise aime les ambiances simples : guitare-voix, qu’elle garde des années open mic et de ses souvenirs de concerts unplugged qu’elle adore tant.
Toujours plus loin. Mais la chanteuse n’est pas du genre à trop regarder vers le passé. À force de faire les premières parties d’autres artistes (Métronomy, Camille), elle cogite sur la mise en place de ses concerts et change sa conception des lives « Je veux montrer une autre dimension de mes chansons. Quand j’ai vu les adaptions que faisait James Vincent Mcmorrow sur scène, j’ai réalisé que je pouvais jouer sur l’aspect visuel de mes concerts. » Son imagination semble être sans limites. La jeune femme n’a peur de rien. Et surtout pas de montrer son vrai visage. « J’ai beaucoup donné et je pense que la musique doit être un investissement personnel. Il faut pouvoir dire ce qu’on pense vraiment au travers de la forme d’expression qu’on choisit, sinon, ça manque de pureté. Comme disait Lauryn Hill, ‘La vraie version de toi vaut plus qu’une fausse identité inventée’. » Le leitmotiv de toute une vie.
« We Used To Bloom » est sorti le 16 juin chez Because Music. Denai sera en concert le 3 juillet avec Metronomy au festival Days Off (Paris)