En 2017, le sample est-il encore l’arme secrète des rappeurs ?

  • Ceux qui expliquent que le sample est mort dans le hip-hop n'ont pas dû écouter beaucoup de rap cette année. Voici, en cinq points, des exemples qui prouvent que cette idée reçue est infondée.

    Certes, la proportion de hip-hop composé à base de samples a diminué au cours des années 2000. Mais l’échantillonnage est toujours légion chez les grands noms du genre. Et puisque les producteurs n’ont plus besoin de sampler à tout prix, comme ce fut le cas de 1986 à la fin des années 1990, les références sont d’autant plus parlantes, justifiées musicalement. En clair : on privilégie aujourd’hui l’hommage et la musicalité pure afin de se détacher des banques de sons.

    Le sample, un art ludique. Les albums de 2017 donnant une grande place au sampling sont légion. Parmi les poids lourds, « More Life » de Drake, « 4:44 » de Jay Z, mais surtout « DAMN. » de Kendrick Lamar. On pourrait s’éterniser sur les percussions de FEEL. piquées au morceau Stormy d’O.C. Smith, ou sur le superbe thème de Be Ever Wonderful de Ted Taylor repris sur DUCKWORTH. Mais YAH., produit par DJ Dahi et Sounwave, est nettement plus parlant : cette sorte d’amas sonore, cette basse chelou, ces nappes bizarres, tous ces éléments proviennent d’un seul et même morceau de Billy Paul, How Good Is Your Game. Impossible à reconnaître ? Et pour cause : les deux premiers temps de ce titre disco-funk (oui, oui) sont isolés, bouclés, ralentis (dépitchés) et lus à l’envers. En reverse, comme on dit.

    La mélodie entêtante. L’énorme carton de Mask Off de Future est en grande partie dû à cette flûte lancinante, motif mélodique principal du morceau et possiblement sample de l’année. Elle provient d’un disque de 1976, « The « Selma » Album », et plus précisément du titre Prison Song. Il s’agit de la version enregistrée d’une comédie musicale américaine à succès écrite en 1972 par Tommy Butler, basée sur la vie de Martin Luther King. Un sample lourd de sens, donc, pour un Future en pleine introspection.

    Le sample, un art minimaliste. Le rap francophone a tendance à moins sampler que le rap US depuis quelques années. Mais on trouve tout de même de nombreuses pépites, parmi lesquelles le titre Julio & Sa Gogo Danseuse du rappeur belge Krisy. L’instru est basée sur le piano jazz d’Alone Together de Chet Baker, sorti en 1959. C’est simple, mais foutrement beau et efficace.

    Back to the roots. Le sampling hip-hop a démarré par l’échantillonnage de batteries, de breakbeats de morceaux préexistants. Il est donc logique que des rappeurs continuent de perpétuer la tradition. Sur 911 / Mr. Lonely, Tyler, The Creator sample un des rythmes de batterie (à partir de la 24ème seconde) de R&B Ballad de Joey D. Vieira. Belle réussite et surtout bel exemple de chopping, technique consistant à découper un sample pour le recoller différemment et créer une mélodie ou une rythmique inédite.

    Tribute. Enfin, l’un des samples les plus grillés de l’année est certainement celui de Jay Z sur The Story Of O.J., extrait de son album « 4:44 ». Son producteur fétiche, le très talentueux No I.D., est allé piocher chez un monstre sacré : Nina Simone et son titre Four Women sorti en 1968. Le piano, la basse et la voix sont aisément identifiables, même si les habiles modifications dénaturent l’original. Dans le clip animé, la chanteuse est d’ailleurs représentée sur scène en train de chanter le titre. Bel hommage.

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