20 ans après, la véritable histoire de "Bitter Sweet Symphony"

  • Il y a vingt ans, The Verve triomphait dans les charts avec "Bitter Sweet Symphony". Richard Ashcroft et son groupe ne toucheront pourtant pas un centime sur le plus grand tube de leur carrière, basé sur une reprise orchestrale d’un titre des Rolling Stones, lui-même inspiré d’une chanson gospel des années 1950. Alors, qui a samplé qui ?

    Pas si sweet que ça. En septembre 1997, « Urban Hymns », le troisième album de The Verve, s’installe pendant douze semaines en tête des charts britanniques, puis dans les classements internationaux. Un succès mondial propulsé par un single historique accompagné d’un clip culte. Classique incontournable de la Britpop, Bitter Sweet Symphony est néanmoins la source d’un procès dont la première pièce à conviction est This May Be The Last Time, une chanson gospel des Staple Singers enregistrée en 1955.

    Accélérée, boostée par un riff garage de Brian Jones et rebaptisée The Last Time, la chanson des Staple Singers devient un single pour les Rolling Stones en février 1965.

    L’année suivante, Andrew Oldham, le manager du groupe, produit sous le nom de The Andrew Oldham Orchestra « The Rolling Stones Songbook », un recueil de reprises stoniennes orchestré par David Whitaker. Vingt ans plus tard, la rythmique martiale et le gimmick orchestral de son ré-arrangement de The Last Time fourniront la base de Bitter Sweet Symphony.

    Après avoir signé un accord avec Allen Klein, distributeur de « The Rolling Stones Songbook » sur son label ABKCO, The Verve est autorisé à reproduire six notes extraites de la version du Andrew Oldham Orchestra. Problème : selon Klein, Bitter Sweet Symphony sample également d’autres éléments mélodiques et rythmiques de The Last Time sans en avoir demandé l’autorisation. L’affaire se réglera en dehors des tribunaux : accusés de plagiat, Richard Ashcroft et The Verve cèdent l’intégralité de leurs droits d’auteurs à Allen Klein et se voient dépossédés du plus grand succès de leur carrière.

    « Si The Verve arrivent à écrire une meilleure chanson, qu’ils gardent le pognon.«  (Keith Richards)

    Andrew Oldham vs Richard Ashcroft. « Richard Ashcroft ne pouvait pas continuer à faire le malin sans citer ses sources, commentera Andrew Oldham dix ans après les faits. On m’a raconté que Youth, le producteur de The Verve, pensait que Bitter Sweet Symphony s’écroulait complètement sans le sample. Je ne pouvais pas me permettre d’être sympa, sinon j’étais baisé. Sa maison de disques et son management ont sacrifié Richard Ashcroft pour un single. C’est totalement irresponsable. »

    « J’ai dû signer un morceau de papier qui m’obligeait à reverser à Allen Klein 100% des royalties de la chanson, lui répond quelques semaines plus tard Richard Ashcroft par interview interposée. Mais cette histoire se terminera un jour : d’ici quelques années, la chanson des Staple Singers tombera dans le domaine public et j’irai au tribunal pour les défendre contre les Rolling Stones, car This Would Be The Last Time, la version originale de The Last Time, a été écrite des années avant celle des Stones. Je n’ai jamais reçu un centime, on nous a volé notre musique, mais c’est OK. C’est un autre moment exceptionnel du pop art où le commerce rencontre le rock’n’roll. Dans la chanson, je chante : « C’est une symphonie douce-amère, on est esclaves de l’argent. » Andy Warhol aurait adoré ça. » En attendant la riposte juridique de Richard Ashcroft, le dernier mot de l’histoire revient à Keith Richards : « Si The Verve arrivent à écrire une meilleure chanson, qu’ils gardent le pognon. »

    The Verve, « Urban Hymns », réédition Deluxe disponible le 1er septembre (Universal).

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