2023 M10 20
Les retrouvailles avec Paul McCartney sur Bite my Head off.
Une fois oublié l'effet d'annonce du premier single (un peu fainéant) Angry, l'album "Hackney Diamonds" tient finalement ses promesses : oui, il y a bien un ancien Beatles sur le tracklisting, et ça se passe en piste 4, pour le très dopé Bite my Head off où McCartney tient la basse dans ce qui ressemble à une punk-pop song efficace qui fait plus que le boulot en 3 minutes. Trois Stones et un Beatles réunis, qui l’eût cru ? C'est un peu vite oublié que voilà 60 ans (oui, déjà), la paire Lennon-Macca avait offert l'un de ses premiers singles à ses supposés rivaux. Ca s'appellait I Wanna Be Your Man, et c'est plus que touchant, six décennies plus tard, de voir ces octogénaires géniaux faire du boucan dans un même studio. On appréciera au passage l'enchainement solo de basse XXL et riff stonien, en imaginant à quoi aurait bien pu ressembler un super groupe réunissant Jagger, Lennon, McCartney et Richards.
Le très stonien Dreamy Skies.
Si les deux featurings d'Elton John (sur Get Close et Live by the sword) sont assez dispensables, l'album révèle quelques coups bien sentis, à l'ancienne et en accoustique. C'est le cas de ce Dreamy Skies avec une partie de guitare slide par Ron Wood, et où l'on retrouve par magie tout l'esprit de "Beggars Banquet" et de son Parachute Woman. Et que dire de la grande forme vocale de Mick Jagger, 80 balais au compteur ? Les historiens du futur, peut-être, nous renseigneront sur les secrets de ce chanteur inusable capable de mettre tout le monde au tapis depuis 60 ans.
Keith Richards au micro sur Tell me straight.
A force, c'est presque devenu une obligation légale : chaque album des Stones doit au moins comporter un titre chanté par Keith Richards. "Hackney Diamonds" ne sera pas l'exception qui confirme la règle et osons le dire, Tell me straight est l'une des plus belles réussites de cet album que plus personne n'espérait. Epurée à l'extrème, sur le fil et avec cette voix éraillée par des années de whisky-nicotine, la chanson de Keith est l'un de ces rares moments où les Stones jouent davantage le calme que le bruit et le résultat salvateur permet à l'Anglais né à Dartford en 1943 de s'interroger en clôture : "Is the future all in the past ?". C'est pas dit : Mick Jagger a déjà confié qu'un nouvel album serait déjà en préparation, voire même déjà partiellement enregistré.
Le gospel 5 étoiles de Sweet Sounds of Heaven.
Autre surprise de l'album, et même si cette dernière était éventée depuis la sortie du titre en "single", le Sweet Sounds of Heaven de la bande à Jagger rentre immédiatement dans le top 5 des meilleurs morceaux des Stones au 21ième siècle. Pourquoi ? Parce qu'il oublie justement d'être radiophonique, joue la longueur (7 minutes, soit 3 fois la durée de n'importe quel titre de rap français) et renoue avec ce qui est l'âme même des Stones, à savoir un mélange de rock, de gospel et de soul présent depuis Sympathy for the Devil. On ne sait pas si le diable s'habille en Prada, mais Lady Gaga amène ici la puissance vocale nécessaire pour rivaliser avec l'ami Jagger, et la grosse jam avec Stevie Wonder (!) aux claviers fait presque penser à "Jamming with Edward!", l'album méconnu de 1972 réunissant une partie des Stones et Ry Cooder pour 40 minutes d'improvisations blues absolument dingues, en attendant l'arrivée de Keith Richards en studio.
Jagger et Richards en duo de clotûre sur Rolling Stone Blues.
A quoi peut bien ressembler une amitié vieille de 70 ans ? Aucun de nous ne le saura jamais, mais la paire Jagger-Richards, elle, oui. Et c'est donc autour d'un titre de Muddy Waters qui a inspiré au groupe son nom que le duo de vieux potes se réunit, comme autour d'un feu de cheminée. Comme au bon vieux temps, au son du blues qui n'aura finalement jamais quitté les deux Anglais. Et autant le disque de reprises "Blue and Lonesome" (2016) faisait l'effet d'un mauvais médicament, autant cette cover en clôture prend pleinement son sens, même si par certains aspects elle résonne presque comme un adieu pour les deux pierres roulantes.