2023 M09 21
Rick Rubin, Pharrell Williams, Jack Antonoff, Mark Ronson, Phil Spector, Quincy Jones : si, souvent, les producteurs de musique aiment rester dans l’ombre, certains prennent la lumière, au même titre que les artistes qui passent dans leurs studios. La raison ? Leur travail est aussi un art. Technique, certes. Mais ces personnalités, avec le temps, développent un style, une manière de travailler et une éthique qui leur apportent un vrai statut au sein de l’industrie musicale. Une réputation qui permet, ensuite, d’avoir le luxe de choisir ses projets, et de bosser avec la crème de la crème, avec les popstars et avec les artistes qui vendent des millions d’albums.
C’est exactement ce qui est en train de se passer pour Andrew Watt. À bientôt 33 ans, le producteur américain a été choisi par les Stones pour « Hackney Diamonds », leur nouvel album en 18 ans, prévu pour le 20 octobre 2023. Ce choix n’a rien d’un hasard. Et ça n’a pas effrayé Andrew, qui a déjà vu passer dans son studio Paul McCartney, Chad Smith, Lana Del Rey, Stevie Wonder, Iggy Pop ou encore Elton John.
Andrew Wotman est né en 1990 à Great Neck dans l’État de New York. Ses parents ne sont pas musiciens mais sont des passionnés de musique. Petit, il a le souvenir d’écouter les Beatles en voiture avec son père. À 11 ans, il joue de la basse et prend rapidement en main une guitare. À partir du lycée, il adopte une forme de routine : il prend le train, part « en ville » (à New York) et passe des heures dans les clubs de blues à observer et réviser les bases du blues-rock. Tous les lundis par exemple, il se rend au Cutting Room pour des sessions de jams. Il rentre vers deux trois heures du matin et se lève à 8 heures pour aller en classe, comme il l’explique dans cet article d’Esquire. À 16 ans, il réussit à passer entre les mailles du filet pour assister à un soundcheck des Roots. Il devient leur assistant, mais les musiciens du groupe, impressionné par son jeu, l’intègre aux sessions de jams.
La musique est sa passion, il en fera donc son métier. Direction l’université, la Clive Davis Institute of Recorded Music, une école spécialisée. Mais Andrew a cette tendance rebelle qui ne colle pas avec les études. Il a l’opportunité de rejoindre le groupe de Jared Evan (un autre musicien de sa région) et de partir en tournée en Europe. Il monte dans l’avion. Ses parents lui coupent les vivres : Andrew doit maintenant se débrouiller seul.
À son retour de tournée, Watt est un musicien fauché. Il joue partout où on veut bien de lui : dans les bars, dans les restaurants, dans les boîtes de nuit. Il s’associe avec un pote DJ qui gagne bien plus d’argent que lui quand il joue dans les clubs. Andrew se met à jouer du blues sur des productions électro et house. Un mélange qui pousse les deux garçons à former un groupe, Pink Cashmere. À ce moment-là, Andrew découvre la musique populaire, les hits électroniques taillés pour les dancefloor et se rend compte qu’il n’est pas obligé de se confiner aux contours du rock. De concert en concert et de rencontre en rencontre, Watt, qui a les cheveux longs à l’époque, rencontre le chanteur Cody Simpson, qui fait les premières parties de Justin Bieber. Andrew finit par rencontrer la popstar canadienne et les deux se lient d’amitié. En 2012, le guitariste intègre la tournée Believe Tour de Justin Bieber.
Sauf que le gamin qui passait ses soirées à écouter du blues et jammer a toujours un peu de rock qui coule dans son sang. Grâce au fils de John Lennon, il rencontre le bassiste Glenn Hughes (qui a collaboré avec Deep Purple et Black Sabbat). Glenn lui envoie quelques démos, Watt lui répond qu’elles sont géniales et qu’il faut les enregistrer. Le bassiste appelle alors le fils de John Bonham (l’ancien batteur de Led Zeppelin) et les trois bonhommes décident de former un groupe, California Breed. Petit à petit, son carnet d’adresses s’étoffe, et son nom circule entre les stars de la musique et du rock.
Tout en bossant sur sa propre musique — Andrew sort un EP « Ghost in My Head » avec Chad Smith (Red Hot) et Joey Castillo (Queens of the Stone Age) —, il se met à produire pour d’autres artistes, comme Selena Gomez ou Bebe Rexha. À partir de là, les choses s’accélèrent : il rencontre Rick Rubin, il produit pour Justin Bieber, pour DJ Snake, pour Post Malone, Cardi B, Lana Del Rey ou encore Blink-182. Son travail est apprécie. Ozzy Osbourne l’appelle pour collaborer et Andrew Watt s’attelle avec l’ancien Black Sabbath à « Ordinary Man » sorti en 2020. Un album sur lequel on retrouve Elton John ou encore Travis Scott. « J’essaie juste de réaliser l’album que je voudrais écouter d’un groupe en concert », raconte à Esquire Andrew Watt. Et visiblement, ça plaît : Miley Cyrus, Dua Lipa, Sam Smith, Elton John et Stevie Wonder, tous veulent un bout d’Andrew.
Ozzy Osbourne le rappelle pour un autre album (« Patient Number 9 » en 2022), Eddie Vedder de Pearl Jam le veut pour son album solo (« Earthling ») et Iggy Pop l’enrôle pour son nouvel album, « Every Loser », sorti en janvier 2023. Watt co-écrit même le morceau Frenzy sur lequel il joue aussi de la guitare. En 2021, il est récompensé par un Grammy Award du meilleur producteur.
Depuis, Andrew Watt a monté son propre label — Gold Tooth Records — et a réalisé un rêve de gosse : produire le nouvel album des Rolling Stones, « Hackney Diamonds », qui est prévu pour le 20 octobre. Un groupe qui fait partie de son « ADN musical » et dont le disque est attendu depuis 18 ans. Mais visiblement, et vu son CV et son ascension, Andrew Watt sait gérer la pression.