2017 M09 23
The French Connection. « Rapattitude », « Première Classe », « Hostile », « L432 » ou encore « Street Lourd » : n’importe quel amateur de hip-hop l’affirmera volontiers, toutes ces compilations ont non seulement permis l’émergence de figures essentielles au rap français (NTM, Rohff, Lunatic, Busta Flex,…), mais elles ont aussi rapidement gagné leurs lettres de noblesse. La BO de « Ma 6-T va crack-er » mérite bien évidemment sa place parmi cette longue liste, mais elle possède une saveur supplémentaire.
Déjà, parce qu’elle illustre le second film de Jean-François Richet (État des lieux, Mesrine, etc.), parce qu’elle inspire aujourd’hui la marque française de streetwear Tealer (pour un mash-up ultime du visuel du film avec la cover du premier album de Migos), mais aussi parce qu’elle a été publiée sur Les Disques du Crépuscule, un label bruxellois piloté à l’époque par Annik Honoré (ex-amante de Ian Curtis) et Michel Duval (fondateur de Delabel), connu pour avoir favorisé l’explosion du post-punk anglais en France et en Belgique au cours des années 80 (The Wake, Section 25, Josef K).
« Cette BO, tout comme le film, a complétement changé notre vie à tous. »
Un classique sinon rien. Ce statut de BO mythique, « Ma 6-T va crack-er » le doit également à un casting XXL pour l’époque (IAM, Assassin, 2 Bal 2 Neg, Passi et même KRS-One), à un duo de producteurs au sommet de sa forme (White & Spirit) et à une flopée de titres impeccables, transformés en hymnes intemporels depuis : Les flammes du mal de Passi, Retour aux pyramides des X-Men, Le temps des opprimés de Mystik ou encore Avoir le pouvoir de Stomy Bugsy. À croire que tous les rappeurs présents déballent alors leurs plus belles rimes sur les productions de White & Spirit. Fabien Kourtzer, la moitié du duo, rembobine :
« Cette BO, tout comme le film, a complétement changé notre vie à tous. J’en garde un sacré souvenir, même pas entiché d’un seul conflit. Il n’y a d’ailleurs eu aucun déchet dans notre travail. Toutes les instrus créées ont été utilisées sur la BO, il n’y a aucune autre démo. La raison est très simple : dès qu’on en composait une, on se disait : « celle-là, c’est pour X-Men, celle-ci c’est pour IAM ». Et ça a marché : on n’a même pas eu besoin de réellement communiquer, on parlait tellement de ce disque et de ce film dans les banlieues que la bande-son s’est tout de suite très bien vendue. »
Prologue. Disque d’or à peine trois semaines après sa sortie en 1997, la BO de « Ma 6-T va crack-er » frappe ainsi par sa puissance de frappe, et en dit donc bien plus sur le Paris des banlieues dans les années 1990 que n’importe quel reportage télévisé. À l’écoute des quinze titres réunis ici, on comprend effet à quel point Passi et les autres cristallisaient dans leurs textes l’angoisse des minorités, le droit à l’insurrection et le propos frontal souhaité par Jean-François Richet. Ce que le réalisateur français ne manquait pas de rappeler dans une interview à arkepix.com, considérant que « les interruptions musicales étaient pour moi une manière ludique d’extraire le spectateur du film tout en le gardant conscient face aux questions posées. » Avant de conclure : « d’habitude, un message, c’est prise de tête ; ici, je tente d’être distrayant en reprenant la forme du vidéo-clip. Dans les salles, les jeunes chantaient en chœur ! ».