Le 27 novembre sera-il le jour le plus important de l'année pour le rap français ?

Les nouveaux albums de Dinos et 13 Block, une mixtape de Captaine Roshi, la première compilation du tout nouveau label de Vald, le retour improbable de Sinik et la confirmation de rookies sur long format : ce vendredi est possiblement le meilleur jour de l’année. Du rap français, mais pas que.
  • C’est devenu une sorte de rituel : chaque vendredi, le rap a pris l’habitude d’accueillir une flopée d’albums, condamnant l’auditeur à une course effrénée pour tenter (souvent vainement) de suivre le rythme imposé par l’industrie musicale. Le 27 novembre 2020 n’échappe pas à la règle. Mieux, il la sublime avec de multiples projets capables d’aller tutoyer les disques d’or.

    Il y a déjà « Stamina », deuxième album de l’année pour Dinos, où le rappeur de la Courneuve explore une fois de plus son spleen dans des morceaux qui, s'ils n'incitent pas à la gaudriole, refusent de s'enfermer dans des mélodies trop pesantes, voire indigestes. Mieux, Dinos choisit ici d'ouvrir son univers à d'autres rappeurs, parfois émergents (Zefor, Zikxo, Leto), d’autres fois plus respectés et populaires (Laylow, Nekfeu).

    Question featuring, « Attaque II » a de sacrés arguments à faire valoir également : sur cette nouvelle mixtape, Captaine Roshi s’est entouré d’Alpha Wann, Gradur et PLK, le temps de trois morceaux tour à tour énergiques et mélancoliques. Au point de limiter le projet à ces trois duos ? Que nenni : « Attaque II » voit le rappeur de 24 ans faire évoluer sa formule dans un va-et-vient constant entre la trap, la drill et des mélodies attrape-cœurs, davantage portées sur le calin que la baston (Pigalle, que le bonhomme vient de décliner dans une belle session COLORS).

    Tout l’inverse, en somme, de « BLO II », le nouveau blockbuster de 13 Block, qui répète peu ou prou les mêmes codes que le premier volume. Là encore, le casting est impressionnant (Maes, Niska, Zola, SCH), là aussi le résultat est carré, efficace, voué à provoquer des remous dans le Bendo. On aurait simplement aimé un album moins long, plus espacé et surtout davantage enclin aux prises de risques.

    Des prises de risques, « Echelon vol.1 » en connaît un certain nombre. Parce que Vald et Seezy, tout heureux de pouvoir enfin lancer leur label, ont décidé de miser sur des rappeurs totalement inconnus du grand public (Bes, Aociz, Charles Bdl). Parce que Suik'on Blaz AD lâche une fois de plus un titre apte à accentuer la hype autour de son hypothétique premier projet (est-ce un hasard, dès lors, si son titre se nomme Echelon Music ?). Et parce que Vald, en plus de dévoiler la version studio d’un titre autrefois joué en direct sur France Inter (C’est pas nous les méchants), semble ne rien vouloir s’interdire avec sa structure.

    « Très certainement que l'on fera des compilations spéciales avec que des stars dessus, lâche-t-il lors d'une interview sur Le Code. Mais on n'y est pas. On veut juster pousser des petits qui n'ont pas d'exposition, et envoyer des inédits de notre côté. Ça régale tout le monde. »

    Une semaine de rap français ne serait pas digne de ce nom si elle ne comptait pas également sa réédition plus ou moins pertinente (« Synkinisi » de Bosh)lot de sorties plus souterraines. « Huitième art » de Sinik s’inscrit dans cette tendance, tant le rappeur du 91 semble condamné depuis une petite dizaine d’années à évoluer en marge des tops streams, des médias généralistes et de la scène actuelle - le fait que ce huitième album, pourtant riche de quatorze morceaux, ne contienne aucun invité en témoigne.

    C'est toutefois vers la nouvelle garde que l'on préfère se concentrer. Avec, en priorité, le premier long format de Le Juiice (« Jeune CEO »), le retour de 7 Jaws en solo (« Dalton », quelques mois après un projet commun avec Seezy) et l'« Elixir » de Matou, où le producteur parisien convie la fine fleur du rap actuel, toutes chapelles confondues (Jazzy Bazz, Mister V, Hyacinthe, Chilla, etc.) : autant de preuves que les titres publiés çà et là ces derniers mois par tous ces artistes n'étaient pas que des feux de paille, il s'agissait à l'inverse des premières braises d’un grand incendie.