2017 M11 27
En marge. Au sein du rap français, Grems jouit d’un statut à part et d’une réputation toujours intacte. Son septième et nouvel album solo, « A&a », à paraître le 19 janvier, ne battra sans doute pas les records de vente sur Internet ou dans les supermarchés, mais il n’en reste pas moins très attendu chez ses fans comme chez ceux qui aiment ce rap déviant, technique et complexe dont il a le secret. Car, si la discographie de Grems, bientôt quarante ans d’existence, connaît bien évidemment quelques sorties moins marquantes, elle contient surtout de nombreux moments de bravoure.
« Rakaille numérik ». Tout commence en réalité pour lui au croisement des années 1990 et 2000 au sein du groupe Hustla, à une époque où La Caution et TTC commencent également à pointer le bout de leur nez avec un hip-hop volontiers hybride, innovant et en rupture complète avec le rap standardisé de Skyrock. Les médias parlent alors maladroitement de « rap alternatif », opposant de fait ces MC’s blancs aux autres, issus de l’immigration. Mais eux revendiquent simplement une attitude ou des influences différentes. Notamment Grems, plus inspiré par le grime ou la deep house que par la soul de James Brown ou l’attitude bling-bling de Jay-Z.
Inventeur de nouvelles formes. Chacun de ses projets tend à le prouver : en solo (« Algèbre », « Sea, Sex & Grems », etc.), en groupe (Rouge à Lèvres, Klub Sandwich) ou en featuring (Lucio Bukowski, Roméo Elvis, Disiz), Grems explore systématiquement les marges d’un genre qu’il s’approprie, qu’il manipule (bien aidé en cela par l’émergence massive d’Internet dans les foyers français au début des années 2000) et dont il se démarque parfois pour explorer un genre qui lui est propre : le deepkho, soit un savant mélange de rap et de house, comme il le raconte sur le titre du même nom.
Bandant d’être indépendant. À l’écoute d’une telle discographie, on comprend donc l’indépendance de Grems, celle d’un homme avant tout graphiste et graffeur, celle qui le pousse en 2013, juste après la sortie de « Vampire », à annoncer son retrait du rap… Heureusement, avant qu’il n’ait le temps de trop se décourager, il rencontre de jeunes producteurs qui le fascinent (Walter Mecca, Cahmo, R R O B I N) et l’incitent à passer à nouveau derrière le micro. C’était déjà le cas en 2016 avec les EP « Green Pisse » et « Freen Pisse ». Ça l’est de nouveau avec « A&a », où l’on retrouve C. Sen, Nikitch et Le Jouage, où l’on comprend que l’intransigeance reste encore et toujours l’objet même de son inspiration. « Ma vulgarité, c’est de l’audace », lâche-t-il sur Fantomas.