2023 M01 28
Au lieu de faire les fonds de tiroir et de ressortir une énième anecdote sur Gainsbarre, commençons plutôt cet article avec une question. Savez-vous combien de textes, pour lui-même et ses interprètes, Serge Gainsbourg a écrits au gré de son œuvre entre 1954 et 1990 ? Pas moins de 500, si l’on en croit le site de la Bibliothèque publique d’information (BPI). Bien sûr, pour nourrir cette plume si prolifique et affûtée, ce parolier, compositeur, interprète, réalisateur, photographe et romancier a dû puiser son inspiration quelque part. La littérature et la poésie ont joué ce rôle. C’est justement dans cet univers des mots, les siens et ceux des autres, que vous plonge cette exposition.
« Serge Gainsbourg, le mot exact » s’est construite grâce aux différentes références de son hétéroclite bibliothèque. Directement importées de son domicile du 5bis rue de Verneuil, elles constituent un parcours durant lequel vous pourrez d’abord en apprendre davantage sur ses auteurs fétiches. Le sous-texte d’une partie de cette sélection raconte aussi la façon dont Gainsbourg a créé son alter ego, Gainsbarre. Une invention qui se range directement dans la tradition du « double littéraire », façon Portrait de Dorian Gray d’Oscar Wilde ou Horla de Guy de Maupassant. Deux aspects complétés par un troisième, l’inégalable productivité et les méthodes d’écriture du défunt.
Plutôt que de dresser un portrait indigeste des inspirations de Gainsbourg, la BPI a concentré ses efforts sur une gamme d’auteurs spécifiques. Caroline Raynaud, conservatrice du lieu, a justifié cette décision au micro de Radio France :
« […] On a choisi de montrer ses influences les plus classiques, son socle de départ, qui est vraiment constitué des ouvrages qu’il a lus jeune. Parce que Gainsbourg a beaucoup dit qu’il était plus relecteur d’ouvrages de jeunesse qui l’ont beaucoup marqué. »
Parmi tous ces bouquins sont présentés le Joueur d’échecs de Stefan Zweig, les contes d’Andersen et toute une facette de littérature classique, à l’image d’Adolphe de Benjamin Constant, notamment. À leur côté, se dresse fièrement son livre de chevet, Lolita, chef-d’œuvre de Vladimir Nabokov. Et que dire de la poésie, si ce n’est qu’elle dévoile l’un de ses visages les plus doux grâce à ce « génie visionnaire » que fut Rimbaud ?
Après les mots des autres viennent ceux de Gainsbourg. Raturés, posés à la volée sur un coin de feuille, non terminés, manuscrits ou tapuscrits, nombreuses sont les archives qui montrent cette recherche du « mot exact ». Réunis dans la partie « la méthode Gainsbourg », tous ces « petits papiers » prouvent à quel point l’auteur voulait que sa plume et son vocabulaire soient précis. Une sorte de maniaquerie qu’explique Sébastien Merlet, co-commissaire de l’exposition, toujours pour Radio France :
« Je crois que la particularité de Gainsbourg, auteur de chansons, c’est le choix qu’il opère dans les mots. Des mots qu’il utilise pour leur sonorité avant même leur sens parfois. Son premier objectif, c’est de se servir du phonème comme une matière sonore et non pas reflet d’une expérience émotionnelle vécue qui serait par exemple chez un Jacques Brel ou un Brassens. »
Plus de 30 ans après sa mort, l’œuvre de Serge Gainsbourg continue de fasciner. Elle traverse aussi les générations. Selon la BPI, 70 % des visiteurs auraient moins de 26 ans et n’étaient donc même pas nés lorsque Gainsbarre s'est barré. À l’approche de l’ouverture de la « Maison Gainsbourg », cette expo est donc une bonne occasion pour les fanatiques de redécouvrir les pages oubliées de l'homme à tête de chou.
« Serge Gainsbourg, le mot exact », à la Bibliothèque publique d’information du Centre Pompidou, du 25 janvier au 8 mai.
Crédit photo en une : détail couverture « Les Petits Papiers de Serge Gainsbourg »