Gainsbourg et Vanessa Paradis : histoire d'une collab passée de l’enfer au divin

Pour son deuxième album, « Variations sur le même t’aime », Vanessa Paradis demande à Serge Gainsbourg de lui écrire des textes. Une fois le disque sorti, Gainsbarre aura des mots très rudes au sujet de l’interprète, ce qui avait fait beaucoup jaser. L’année dernière, la chanteuse est revenue sur cette histoire pour finalement donner sa version des faits.
  • « Paradis, c’est l’enfer ». C’est avec ces mots et ce goût de la provocation toujours aussi marqué que Gainsbourg était intervenu pour parler de son travail avec Vanessa Paradis, juste après que l’album « Variations sur le même t’aime » dont il avait écrit les textes. Du petit lait pour la presse, qui s’était empressée de jeter de l’huile sur le feu et ainsi faire naître les commentaires les moins flatteurs autour de leur collaboration. Après une intervention dans Vogue début 2016, la chanteuse a définitivement mis un terme à ces rumeurs en prenant la parole lors d’une interview accordée au JDD en septembre 2021.

    Si on remonte aux origines de ce disque paru le 28 mai 1990, on retrouve les deux caractères brûlants des protagonistes. D’un côté, celui de Gainsbourg en fin de parcours, ayant accompli la majorité de son œuvre et donc déjà affûté sa plume lors de compositions pour les nombreuses femmes de sa vie – de Jane Birkin à Brigitte Bardot, en passant par France Gall, la liste est longue. À l’exact opposé, sur les starting-blocks, se dresse Vanessa Paradis. Après un album de présentation porté par le titre Joe le taxi (1987) et un premier rôle « césarisé » dans le film Noce blanche (1989), l’adolescente de 17 ans entame sa course folle vers la célébrité.

    Tapi dans l’ombre de son hôtel particulier du 5, bis rue de Verneuil, Gainsbourg fragile, affaibli par les excès, laisse entendre qu’il aimerait travailler avec cette nouvelle artiste en vogue, au style de lolita qu’il affectionne. Et quel timing : Paradis est en train de plancher sur son deuxième album. Par l’intermédiaire de son oncle et manager Didier Pain, Gainsbarre invite la paire dans son repaire et, séduit par les ébauches de ce disque en préparation, leur propose d’écrire l’intégralité des textes. Demande acceptée.

    Pressé par le temps — la date de retour est fixée au printemps — Gainsbourg se lance. Il s’enferme pendant 8 jours, puis rend les paroles. Sauf que, par bribes, certaines chansons ne sont pas au goût de l’interprète, qui ne se garde pas de le faire savoir à son auteur. Il s’exécute et apporte les retouches réclamées. Sans doute touché dans sa fierté, lorsque « Variations sur le même t’aime » sort le 28 mai 1990, en pleine promotion, Gainsbarre dégoupille : « Paradis, c’est l’enfer ! » La polémique gonfle instantanément : tout et son contraire sont racontés à propos de leur association.

    Il faut attendre le numéro 963 de Vogue, pour (enfin) avoir la version de Vanessa Paradis. Dans une longue réponse, elle explique :

    « On a pas mal dit que je lui en avais fait voir de toutes les couleurs, fait réécrire tous les textes. Mais c’est faux. Il les écrivait, il venait nous voir en studio, on les découvrait, on les essayait. Il y en avait des sublimes et parfois, il y avait des phrases faciles que je lui ai demandé de reprendre. Mais on parle d’une phrase ou deux sur trois chansons, rien de plus. Serge, c’est un génie, mais ça ne l’empêchait pas parfois de recycler une bonne formule. Je suis sûre qu’au final, il devait être ravi que je n’aie pas laissé passer une phrase complaisante. »

    Après cette prise de parole intervenue en janvier 2016, la chanteuse s’est à nouveau exprimée l’année dernière. Pour une interview qu’elle accordait au JDD en septembre 2021, elle étoffait cette fois le propos. « On a prétendu que ça s’était mal passé entre nous alors que c’était divin. C’est vrai que je lui ai retoqué un texte, mais je pense que c’était mieux pour lui. Il écrivait en parallèle pour Joëlle Ursull. Désolé, mais je ne considère pas la chanson White and Black Blues au niveau. C’est ce qu’il cherchait à me refiler, mais moi, si je travaillais avec lui, c’était pour avoir du grand Gainsbourg ! »

    Force est de constater que Vanessa Paradis avait raison. « Variations sur le même t’aime », s’est vendu à 400 000 exemplaires, et a été certifié disque d’or et de platine. Un succès que Serge Gainsbourg ne verra qu’en partie. Il décède 9 mois après la parution de l’album. Pour lui rendre hommage, « Variations sur le même t’aime » sera réédité pour les 10 ans de sa mort. De nouveau, il s’écoule à 400 000 copies.

    Finalement, cette dernière œuvre de l’homme à la tête de chou sera bénéfique à la carrière de Vanessa Paradis. Pour couronner le tout, en plus de se targuer d’avoir chanté les ultimes paroles de Gainsbourg, sa dernière muse possède encore aujourd’hui une archive inestimable. Suite aux polémiques d’époque, il lui avait laissé un « message d’excuse d’une tendresse infinie ». Quelques mots supplémentaires que Vanessa Paradis conserve encore très précieusement.

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