Tony Allen, le batteur de vos tubes préférés

  • De l’afrobeat de Fela Kuti à la ritournelle pop de Sébastien Tellier, Tony Allen est à 77 ans l’un des plus grands maîtres des temps. Le Nigérian nous a tout expliqué. Rencontre.

    Son jeu dément a voyagé de Lagos, où il façonna dans les années 1970 le son afrobeat avec Fela Kuti, mais aussi à Paris avec Charlotte Gainsbourg, Air ou Sébastien Tellier. En Amérique, un de ses plus grands fans, Damon Albarn, ne cesse de le solliciter et il s’embarquera bientôt pour un nouveau projet avec le pionnier de la techno Jeff Mills. Depuis plus de cinquante ans, les rythmes du batteur Tony Allen ne tournent jamais en boucle et voyagent sur tous les continents. Son nouvel album, « The Source », son premier sur le fameux label de jazz Blue Note, prouve encore que le temps, il en a toujours un d’avance.  Sans en faire des caisses, il a décrypté pour Jack une sélection de titres où il a imposé son rythme.

    Fela Kuti – Question Jam Answer (1972)

    Ce n’est pas une chanson qui change une façon de jouer, c’est qui tu décides d’être. Sur ce titre, la batterie est simplement celle qui va avec cette composition. Si ça avait été un autre batteur, il n’aurait pas été capable de jouer ça, car entre Fela Kuti et moi il y a toujours eu de la télépathie. Ce compositeur est un génie et c’était un challenge constant de jouer avec lui.”

    Sébastien Tellier – La Ritournelle (2004)

    À votre avis pourquoi Sébastien Tellier n’a pas appelé un batteur français pour ce titre alors qu’il en existe plein ? Il voulait quelque chose de différent ! J’ai trouvé sa musique étrange au départ, ce n’était pas très commun. Et je me devais de trouver quelque chose de spécial. J’ai écouté les démos et au studio j’ai dit : “Ça ne doit être qu’un battement.” Il n’avait plus qu’à terminer la chanson et ça a marché.

    Cerrone – 2nd Chance

    Cerrone me demande de jouer, je joue, on n’a pas à jouer la même chose, on peut juste se croiser. On reconnaît un bon instrumentiste quand il est capable de jouer avec des machines. Jouer avec Jeff Mills, par exemple, ce n’est pas simple, car il a des patterns américains, et s’il jouait avec un batteur américain, je ne suis pas certain que cela fonctionnerait. Mais ne me demandez pas ma technique, car quand je m’assois devant mon instrument, ça vient et c’est tout. Je pense que j’ai écouté assez de batteurs dans ma vie et maintenant c’est à la nouvelle génération de m’écouter.

    The Good, The Bad & The Queen – Three Changes (2007)

    On est un groupe [avec Damon Albarn, Paul Simonon, Simon Tong, ndlr] et chacun apporte son ingrédient. Three Changes est un simple groove issu du rock et de la musique africaine.

     Charlotte Gainsbourg – 5.55 (2006)

    « Quand je contribue à la chanson de quelqu’un d’autre, je n’aime pas interférer dans une composition, je reste derrière ma batterie. Pour Charlotte, on m’avait dit qu’elle était timide et qu’il fallait que je la pousse. Alors, je lui ai demandé pourquoi elle était timide car je l’ai vue jouer dans des films et ça me semblait bien plus difficile que de chanter. Mais pour elle c’est l’inverse. Moi ce que je trouve difficile c’est de jouer tout seul, avec moi-même. Je trouve bien plus de kicks quand je suis avec d’autres, ça élargit mon esprit.

    Tony Allen – On fire sur l’album « The Source » (2017)

    Qu’importe ce que je joue et avec qui : mon jeu de batterie dépend de mon rapport à la musique elle-même, c’est ce qui me permet de jouer différents styles. Il y a un autre titre sur l’album que j’adore, c’est Cruising, il est fou ; il a un mouvement très particulier par rapport aux autres morceaux. Ce qui l’explique, c’est que la première chose que j’écris, contrairement aux musiciens qui vont écrire une mélodie d’abord, c’est toujours mon pattern de batterie, car je ne veux surtout pas écrire le même que celui de la veille.

    Tony Allen, « The Source » (Blue Note)
    En concert à Jazz à la Villette le 9 septembre

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