Régine est-elle la grand-mère de tous les DJs ?
Pendant 92 ans, Régine, décédée le dimanche 1er mai, aura eu 100 visages. Elle fut chanteuse et artiste de music-hall, comédienne, actrice sur le petit comme le grand écran, femme d’affaires chevronnée et aussi inventrice des discothèques et des DJ. C’est sur cette dernière casquette qu'on s'arrête aujourd'hui.
2022 M05 13
À défaut d’avoir la gueule de bois, Régina Zylberberg, alias Régine, avait définitivement la Gueule de nuit. Dans ce livre qu’elle publiait chez Flammarion en 2018 — qui est aussi le titre d’une des chansons de Barbara, elle dressait le portrait des personnes qu’elle croisa tout au long de sa vie : Simone Veil, Johnny Hallyday, Andy Warhol, Barbara ou encore Michael Jackson. Autant de profils différents qu’elle côtoyait en même temps qu’elle bâtissait chaque jour un peu plus son royaume nocturne.
« Ne m’appelez pas la Reine de la nuit », disait-elle souvent. Pourtant, c’est bien ce qu’elle est devenue avec le temps. Une révolutionnaire même, puisque c’est à elle qu’on doit le lancement de certaines inventions qui ont changé notre façon de faire la fête. Avant les années 60, les discothèques n’existaient pas. Elle a remédié à ça au début des sixties en inaugurant donc les ancêtres de nos clubs. Des lieux très privés et prisés, situés entre Paris et Saint-Tropez.
En plus de la forme, elle a aussi défini des codes qui sont d’ailleurs toujours de rigueur aujourd’hui. Dans une interview accordée à Challenges en 2018, Régine racontait : « Pour avoir du monde, je commençais toujours par refuser du monde, ça créait une envie. J’installais toujours un tapis rouge et je filtrais sévèrement les entrées. » Une technique qui permettait de réunir les personnes les plus en vues dans un même endroit. Mais alors, comment ces heureux élus s’amusaient-ils une fois à l’intérieur ?
Pour écouter de la musique et s’ambiancer, les clients avaient accès à des juke-box. En nourrissant d’une de leurs pièces ces machines gavées de disques, ils pouvaient choisir la chanson qu’ils voulaient entendre. « Quand des gens adoraient un titre, ils l’achetaient cinq fois de suite, c’était pas formidable pour créer une ambiance… » détaillait Régine dans le même article de Challenges. De là, va naître en elle une idée géniale qui traversera les époques.
« Laissez parler
— Arnaud Bédat (@ArnaudBedat) May 1, 2022
Les petits papiers
A l'occasion
Papier chiffon
Puissent-ils un soir
Papier buvard
Vous consoler
Laisser brûler
Les petits papiers
Papier de riz
Ou d'Arménie
Qu'un soir ils puissent
Papier maïs
Vous réchauffer »
Au revoir #Régine, adieu grande dame.
#Gainsbourg pic.twitter.com/iFaNA1BZhS
Afin d’éviter qu’un morceau ne soit joué à outrance, elle concocte en amont de ses soirées des playlists. Pour chaque sélection, Régine choisit avec application les chansons qui se succéderont. En plus, elle engage des employés qui ont une unique mission : ils doivent passer ces disques les uns après les autres. Ça ne vous rappelle rien ? Régine nomme ces personnes les « disquaires ».
Arrivé là, si on veut répondre à notre question-titre, une petite recherche s’impose, et donc, d’autres interrogations se posent. On peut toutes les retrouver dans ce papier de Trax : « On sait tous que “DJ” veut dire “disc jockey”. Mais, au fait, d’où vient l’expression et qui a-t-on appelé ainsi pour la première fois ? » Logiquement, on obtient aussi les infos dans les lignes qui suivent. Il est raconté qu’un certain Ray Newby fut reconnu comme tel, dès 1909, même si le terme n’existait pas encore. Le mot « DJ » apparaît dans les années 30, lorsque « le journaliste Walter Winchell l’utilise à la radio pour qualifier le travail d’un certain Martin Block […]. Bien qu’il affirme avoir été le premier DJ de l’histoire, Block avait piqué le concept de l’émission à un autre “disc jockey”, le Californien Al Jarvis, et son show The World’s Largest Make Believe Ballroom. »
Si l’on en croit nos confrères, l’histoire n’a retenu que des noms d’hommes. Si maintenant on recoupe ces informations pour les recoller au cas de notre Régine nationale, avec en prime cet article de L’Express qui affirme qu’elle-même a été DJ en 1955 au Whisky à Gogo — une discothèque de Saint-Germain-des-Prés, on peut donc dire que Régine est bel et bien « la grand-mère de tous les DJ ». Cocorico !
Sur le livret d’obsèques de #Régine, un dernier message… pic.twitter.com/r7jHS6beyn
— Jean-François Guyot (@JFGuyot) May 9, 2022