Flashback : quand les soirées Respect lançaient la culture club à Paris

Lancées pour la toute première fois à la fin 1996, les soirées Respect (is burning) fêtent cette année leur 26e anniversaire. Alors que les clubs viennent juste de rouvrir en France, retour sur ces folles nuits qui ont eu pour théâtre la boîte de nuit Le Queen des Champs-Élysées et cette volonté affirmée de «  changer les habitudes du clubbing à la parisienne  ».
  • Nous sommes à Paris, le 2 octobre 1996. À quelques heures du lancement de la toute première soirée Respect (is burning), ses trois créateurs, David Blot, Fred Agostini et Jérome Viger-Kohler, s’activent en coulisse. Sans garantie aucune, seulement armés de bons pressentiments et d’un line-up qui deviendra plus tard légendaire (Daft Punk, José Padilla et Jef K), ils ne savent pas si foule il y aura devant le Queen, malgré les entrées gratuites. C’est un mercredi soir après tout… En fin de compte, 1700 curieux se déhancheront sur la piste de danse. Vient alors de naître le « premier acte d’une saga qui nous emmènera jusqu’à Hollywood » écrira des années plus tard Jérome Viger-Kohler dans Brain.

    Du haut de leurs 25 ans, les trois amis viennent de frapper un grand coup en rameutant tout ce monde à cette soirée si originale, et si inhabituelle, car se passant au beau milieu de la semaine. D’autant plus qu’à cette époque, en France, outre « du clubbing bourrin ou de la trançouille techno » dixit David Blot, les musiques électroniques n’ont pas le vent en poupe. Hormis Radio Nova, FG et le magazine Coda, les médias généralistes semblent bouder la house, la techno, et surtout, les acteurs de ces scènes, même s’ils se nomment Laurent Garnier, Dimitri From Paris, Daft Punk ou St Germain. Alors la réussite de cette première nuit à la programmation pointue, et de façon plus générale la naissance de Respect (the DJ), a tout d’une catharsis.

    Après cette mise en contexte, logique de se demander pourquoi ces soirées ont fonctionné. Déjà, le lieu : l'entrée au Queen normalement réservée à une clientèle chic, devient gratuite le temps d’une nuit et donc accessible à toute une faune hétéroclite de noctambules — « de la minette sexy au rappeur baggy » résumaient les fondateurs dans un article du Monde datant de 1998. Ensuite, l’heure : « Pourquoi sortons-nous si tard ? Pourquoi attendre 2 h du matin, surtout en semaine ? Avec Respect, le club ouvre à 23 h 30 et la fête commence à 23 h 31 ! » peut-on lire sur la première affiche, qui servait à introduire le concept. Enfin, l’ambiance : « le but, c’était d’insuffler l’esprit plus ouvert des raves dans les clubs parisiens », analysait le DJ Sven Hansen-Løve sur Slate.

    Et le plus important pour la fin : le son. Le public est jeune et prêt à défendre corps et âme la culture encore marginalisée des musiques dites électroniques. Une appellation qui regroupe un nombre conséquent d’hybridations et donc de DJs les maîtrisant. Sur les flyers que le compte Instagram @respectisburning réunit, on peut avoir un aperçu des line-up flamboyants et pointus qui étaient proposés : Motorbass, Chez Damier, Cassius, ou encore Bernard Badie, premier guest venu de Chicago.

    Maintenant, l’interrogation est la suivante : pourquoi dit-on que Respect (is burning) est mythique ? Premier élément de réponse. Toute la fine fleur des DJ internationaux et hexagonaux est venue donner des concerts pendant ces longues nuits. Aussi, Respect a accompagné nos héros nationaux, c'est-à-dire tous ces artistes alors en train de créer un genre musical nouveau : la bien nommée French touch. Tout ça, jusqu’à ce que « les mecs deviennent des caricatures [de la French touch] » expliquait David Blot dans le livre French Touch de Stéphane Jourdain. Saoulé par ce phénomène, le trio met un terme à l’aventure Queen des Champs en juillet 1999.

    Deuxième raison : parce que Respect a eu un rayonnement mondial. Après Paris, et sans mentionner les soirées en vrac partout sur la planète — de Caracas à Sydney en passant par Kuala Lumpur —, il y aura des résidences mensuelles au Fuse de Bruxelles, au Vega de Copenhague, mais aussi à New York. Étalée de 2001 à 2003 cette parenthèse américaine est intervenue au moment où la musique française jouissait d’une énorme hype mondiale. Divisées en deux périodes fortes, les soirées se sont d’abord passées dans l'énorme club de Manhattan le Twilo, avant qu'il ne ferme. Ensuite Respect, alors à son apogée, s'est payé le luxe de s’installer au musée d’art contemporain PS1, toujours dans à Big Apple. Ce sera le point culminant de cette aventure.

    Le retour à Paris ne sera pas facile, et la redescente sera inévitable. Malgré tout, Respect résiste et démarre une nouvelle résidence sur un bateau au cœur de la capitale. C’est le début d’Été d’Amour, un événement éclectique où la fête dure de la fin d’après-midi au lever du jour. Mais ça, c’est une autre histoire. 

    La conclusion de ces folles années revient à Jérome Viger-Kohler, toujours dans Brain : « Nous n’avons pas révolutionné les nuits mondiales. Ni même les nuits parisiennes. Mais oui, on s’est bien amusé. » Toute cette épopée est en partie racontée dans le film Eden (2014) de Mia Hansen-Løve, sœur du DJ Sven Løve, membre éminent de cette aventure French Touch.

    Crédit photo : @respectisburning

    Eden est disponible via myCANAL // Les podcasts de Jack sur la culture club sont disponibles par ici.