2017 M11 7
La grande dépression. Aux antipodes de l’egotrip auxquels les médias généralistes tentent de réduire régulièrement le hip-hop, et au-dessus de tout soupçon du simple exercice de style, le spleen semble lentement s’installer au sein des textes de rap français ces derniers mois. Paradoxal quand on sait que le genre casse le game actuellement, que ce soit du côté des ventes ou du streaming ? Pas tant que ça, finalement, tant le rap français a toujours cultivé un certain goût pour la mélancolie.
Chasseur de déprime. Récemment, la tendance s’est pourtant intensifiée : quand Vald dit avoir « envie de se suicider comme Kid Cudi », Lomepal, lui, raconte directement sa dépression à sa mère (« Hé m’man, tu veux un double scoop ? Quand j’prends ma mob alors que j’suis pété à la mort/C’est pas de l’inconscience, non, c’est que j’en ai rien à foutre/Mourir, j’en ai rien à foutre ») ; quand PNL dit se défoncer « pour oublier », Orelsan, lui, prétend que ses « nuits sont blanches » et ses « idées noires », que « c’est comme chaque fois qu’j’ai arrêté d’boire » et que « les journées sont plus qu’des gueules de bois ».
Et ce ne sont pas les seuls : écouter certains textes de Roméo Elvis, Damso, Jok’air ou Josman, c’est comprendre à quel point tous ces rappeurs, issus d’une même génération de crise (économique, bien sûr, mais aussi identitaire), trempent leurs plumes dans un quotidien visiblement désenchanté.
Spleen et idéal. Comme souvent avec le rap francophone, on retrouve peu ou prou la même tendance de l’autre côté de l’Atlantique, que ce soit avec $uicide Boy$, Lil Uzi Vert (« Tous mes amis sont morts, pousse-moi au fond du gouffre » sur Xo Tour Lif3) ou XXXTentacion (« Je souffre, je voudrais me mettre dix balles dans la tête » sur Jocelyn Flores).
Sans tomber dans le copier-coller, ni dans la dramaturgie aussi prévisible que celle d’une comédie romantique bâclée, les MC’s francophones poussent pourtant le lyrisme encore plus loin. Au point que l’on puisse se demander comment des artistes si populaires et couronnés de succès peuvent atteindre ce niveau de gravité et de noirceur dès qu’il y un beat et un micro où déblatérer avec cette profondeur de ton ? La réponse se trouve peut-être dans leur quotidien, visiblement plombé par les insomnies et des rêves foireux. À l’image de SCH : « La nuit, j’me réveille en nage, sûrement noyé par mes torts/Noyé par mes remords ».